L’accompagnement judiciaire
Benoît HESBOIS
Conférence du 2 décembre 2020, organisée par les Femmes prévoyantes socialistes de Namur.
Description
Où peut-on consulter un avocat ?
Il a été mis en place, dans les plannings familiaux, la possibilité d’obtenir une consultation d’une durée de trente minutes. En général, cela peut durer un peu plus longtemps. Ces consultations ont lieu au sein des plannings familiaux, c’est important. Puisque même si vous rencontrez un avocat –, je suis avocat depuis plus de vingt ans –, on veut le faire en dehors de l’espace privé, parce que les personnes veulent obtenir des informations et parce qu’il y a souvent des raccourcis. Pour beaucoup, le fait d’aller voir un avocat voudrait dire automatiquement « introduire une procédure », ce n’est pas du tout le cas, le but est de délivrer des informations.
La particularité des plannings familiaux, tout le monde ne le sait pas nécessairement, c’est que lorsque vous venez, vous venez librement, quelle que soit votre condition, quelle soit financière ou quelle soit personnelle ; quelle que soit la mutualité à laquelle vous appartenez. C’est ouvert à tout le monde et aux personnes qui veulent venir absolument chercher des renseignements.
Lorsque l’on rencontre un avocat dans un planning familial, en réalité, on rencontre un juriste. C’est pour cette raison je me présente ici en tant que juriste et non comme avocat, car le but est de délivrer des informations. On ne fera jamais, dans le cadre des plannings familiaux, aucun acte à votre place, on ne posera aucun acte pour introduire une procédure à votre place, car vous venez chercher des renseignements. Mais avec une particularité qui est très importante, nous semble-t-il, c’est de garantir le secret professionnel et la confidentialité. Beaucoup de dames viennent chercher des renseignements et ne sont pas, nécessairement, encore décidées à introduire une procédure. Mais il vaut mieux savoir ce que l’on peut faire ou ce que l’on ne peut pas faire.
Le but de la consultation, c’est de donner des informations sur les droits et les obligations que vous avez, parce que le but premier est, avant tout, de rassurer. La plupart du temps, quand les victimes viennent, elles ont déjà rencontré une assistante sociale, un autre service, ou une psychologue, si elles sont déjà suivies par les services mis en place.
Il y a toujours ces idées préconçues qui sont données par l’entourage qui ne partent pas d’une mauvaise intention, mais il pense savoir comment les choses se déroulent, alors qu’en réalité cela ne se passe pas du tout de cette manière. En conséquence de quoi, les victimes arrivent avec des idées reçues. Elles se demandent, le plus souvent, si elles partent, quand il y a abandon de domicile, si elles peuvent perdre leurs droits. Ce sont vraiment les premières questions qui, en permanence, reviennent, car les gens pensent que la notion d’abandon de domicile est toujours inscrite dans la loi, c’est-à-dire « je pars, je perds mes droits ». Au départ, la notion d’abandon de domicile ne voulait pas dire cela. Mais on en fait toujours un raccourci, c’est pourquoi beaucoup de gens pensent que s’ils partent, ils perdraient des droits par rapport aux enfants. C’est totalement inexact.
L’autre questionnement qui revient souvent est en rapport avec le fait que le conjoint ne souhaite pas divorcer ou ne veut pas se séparer, en fonction que l’on soit marié ou pas. Le fait de décider, à un moment donné, de partir en tant qu’épouse est un droit personnel, et vous avez bel et bien le droit de partir. Il ne faut pas se poser la question de savoir si vous pouvez ou si vous ne pouvez pas, si l’autre est d’accord ou s’il ne l’est pas : vous pouvez tout à fait agir seule et introduire des procédures par rapport à ce qui peut être mis en place.
Un autre sujet qui vient souvent dans la discussion, c’est la peur du lendemain : « Je me retrouve sans toit, qu’est-ce que je vais faire ? ». La vraie question lorsque l’on est propriétaire d’un logement dans lequel la famille vit ou si on loue, c’est : « Si je pars ou si je décide de me séparer, est-ce qu’automatiquement je vais perdre mes droits et est-ce qu’automatiquement –, parce que, le plus souvent, l’autre conjoint ou l’autre époux le dit : ‘Attention, si tu pars, il n’y a jamais que moi qui aie travaillé ou que moi qui aie payé ou tout m’appartient’ – je vais tout perdre ? ». Dans la réalité, c’est totalement faux, parce que la plupart des personnes mariées, si elles sont mariées en communauté, ont leurs revenus en commun. Cela veut dire que même s’il n’y en a qu’un seul qui, à un moment donné, a payé le logement familial, le prêt hypothécaire ou autre, ce logement appartient aux deux parties. Lorsque l’on parvient déjà à rassurer les personnes sur l’aspect matériel et de le dire qu’elles ont plus de droits qu’elles ne le pensent, cela change un peu la donne.
À force de s’entendre dire qu’elles n’ont aucun droit, ou qu’elles ne sont rien, il y a des personnes qui en sont convaincues, mais, dans la réalité, c’est totalement différent.
Il nous faut vraiment arriver à expliquer ce qu’il y a comme obligations, comment on peut saisir le tribunal, mariée ou pas.
Il faut savoir que, maintenant, il n’y a plus qu’un seul tribunal qui existe : c’est le tribunal de la famille. Ce qu’il faut savoir, aussi, c’est quel tribunal, puisqu’il y en a plusieurs dans les arrondissements judiciaires. C’est toujours le tribunal du dernier domicile conjugal, c’est-à-dire de l’endroit où vous avez vécu avec votre conjoint, qui sera compétent.
Toutes ces questions sont celles qui arrivent en premier.
Après, il est vrai que l’on reçoit des questions –, on a pu le constater et cela fait quand même près de vingt ans que je suis au planning familial et cela fait presque autant de temps que l’on suit le projet du centre Ça vaut pas l’coup ! – qui sont tout à fait récurrentes. À nouveau, c’est : « Si je quitte le domicile conjugal, suis-je automatiquement fautive ? » ou « Si je quitte le domicile conjugal, vais-je perdre mes droits ? » La réponse est non, mais la question va plus loin. La notion de faute est toujours ancrée dans l’imaginaire collectif, dans l’esprit collectif. À l’heure actuelle, les personnes pensent qu’il faudrait avoir une faute ou prouver une faute envers l’autre, pour obtenir le divorce. C’est totalement faux. Les divorces tels qu’on les a connus pour des motifs précis, qui étaient l’adultère, qui étaient les coups et blessures, l’injure ou autre, n’existent plus. On est vraiment entré dans un système de divorce « sans faute », cela veut dire ce que cela veut dire : on constate simplement, à un moment donné, une désunion irrémédiable. C’est-à-dire, à un moment donné, pour des raisons qui vous sont propres et qui peuvent être expliquées par les violences conjugales ou autres, vous avez l’intention de vous séparer ; c’est simplement cela.
Maintenant, c’est sur le plan légal que l’on vérifie avec, effectivement, une procédure – sans entrer dans les détails –. Soit on est d’accord de divorcer et la procédure peut aller très vite : soit, quoi qu’il arrive, on ne vous laissera pas attacher au pied d’une table plus d’un an. Lorsque vous avez pris la décision de divorcer, puisque sur le plan légal maintenant, dès que vous êtes séparée depuis un an – donc que vous vivez séparément –, même sans avoir introduit de procédure, vous pourrez demander le divorce.
Une autre question qui vient systématiquement, c’est : « Si je pars, est- ce que je pars avec les enfants ou pas ? », « Est-ce que je peux partir avec les enfants ? ». Et c’est « la » question qui fait peur. La réponse est oui. Simplement, si on décide de partir, je dis toujours aux gens qu’il faut prendre certaines précautions : il faut d’abord organiser l’endroit où vous allez partir et où vous allez pouvoir « atterrir », puisque, bien souvent, ce sont des situations d’urgence et on cherche des premières solutions. Il est rare que des personnes viennent me voir en me disant qu’elles vont partir, qu’elles ont déjà loué un logement et qu’elles savent à quelle date elles partent.
Pourquoi faut-il prendre des précautions ? Vous pouvez partir si vous êtes victimes de violence et s’il y a des enfants, ce n’est pas un souci. Le seul point important, c’est qu’il faut prendre la peine d’organiser votre départ.
La première chose à faire, ce n’est pas d’aller déposer plainte ou pas, parce que souvent les gens se demandent si lorsqu’ils partent ils doivent déposer plainte obligatoirement, le fait de partir n’est pas lié au fait de déposer une plainte.
Par contre – et cela on le constate souvent –, quand on a, malheureusement, des personnes qui sont violentes, elles sont souvent manipulatrices en parallèle ; il est souhaitable alors de prendre la précaution de passer par le poste de police. Il ne s’agit pas de déposer une plainte, c’est simplement d’aller signaler qu’à tel jour et à telle heure, vous quittez le domicile, parce que vous n’en pouvez plus des conditions dans lesquelles vous vivez. La police en prendra note. Pourquoi ? Parce que l’on a constaté, avec l’esprit pervers de certaines personnes, que si le conjoint part avec les enfants, et va lui-même aller à la police dire que vous n’êtes pas au mieux dans votre tête, que vous êtes suicidaire, que vous avez kidnappé les enfants, que vous voulez quitter le territoire belge (si vous êtes d’origine étrangère ou si vous avez la possibilité de partir à l’étranger). C’est donc simplement pour éviter un signalement auprès de la police, par le conjoint, qu’il est préférable que vous le fassiez. L’avantage, c’est que la police pourra répondre que tel jour à telle heure, vous êtes venue signaler que vous quittiez le domicile pour telle raison et cela ne veut pas dire que vous déposez plainte. La police ne dira pas « où » vous êtes, mais qu’elle « sait » où vous êtes, et peut-être qu’il y aura un appel téléphonique qui sera passé pour rassurer le conjoint par rapport aux enfants. C’est souvent ce qui se fait dans la pratique. Mais, à aucun instant, on ne déposera une plainte ou on dira que c’est une plainte qui se dépose automatiquement. L’avantage c’est que cela coupe court et que, le plus souvent, sauf fait vraiment extraordinaire, la police dira que le litige est du ressort du privé et que c’est du ressort judiciaire de saisir, éventuellement, les tribunaux.
Si on prend la décision de passer au stade de quitter le domicile, car rester le derrière entre deux chaises n’est jamais bon, il faut absolument, à un moment donné, mettre des choses en place. Aller devant la justice ne veut pas nécessairement dire attaquer en justice, cela veut juste dire qu’il faut qu’il y ait, à un endroit déterminé, des mesures qui soient prises et qui soient opposables. Si, et c’est très souvent le cas dans les dossiers de violences conjugales, il y a une séparation, il y a un temps x qui se fait, que l’on soit en maison d’accueil ou pas et ensuite on accepte de présenter les enfants. Malheureusement, à l’issue du droit de visite, il y a certains conjoints qui ne respectent pas ou les jours ou les heures et refusent de présenter les enfants et se servent des enfants pour essayer d’attirer l’autre pour le faire revenir.
L’avantage de demander à la justice, éventuellement, d’organiser votre séparation est d’avoir un papier. Ce papier permet de démontrer qu’une décision de justice a été prise si, malheureusement, le conjoint ne respecte pas le droit de visite.
Une question qui revient régulièrement par rapport à la séparation, c’est la question de l’attribution du domicile, surtout en cas de violences conjugales. Le réflexe de beaucoup de dames qui sont victimes de violences conjugales, c’est de se dire que c’est elles qui partent, parce que, quelque part, c’est une « solution de facilité ». Elles pensent que leurs conjoints ne voudront jamais partir, et que, par conséquent, c’est elles qui doivent partir. Le problème par rapport à cette décision, c’est qu’il est difficile pour les avocats ou pour les personnes qui vont vous défendre d’aller ensuite devant la justice et de demander l’attribution du domicile et de vous réintégrer dans le logement, si, vous-mêmes, vous êtes déjà parties. C’est un cercle vicieux.
Il faut savoir que sur le plan légal, on a voulu volontairement organiser deux choses. L’évolution est très lente et la mise en pratique est tout aussi lente.
La première disposition date de 2003. Il s’agit d’une modification de la loi qui permet au juge de pouvoir, lorsqu’il y a des indices sérieux de violences, accorder le domicile conjugal, par priorité, à la personne qui a été victime de violences, avec l’avantage que l’on ne demande pas qu’il y ait déjà une condamnation sur le plan pénal ou judiciaire. Mais il faut pouvoir prouver, à un moment donné, que soit vous avez déposé plainte, soit que, même sans avoir déposé plainte, vous disposez de constats médicaux ou des attestations qui prouvent que vous avez été victime de ces violences. Dans cette situation, en général, le logement sera accordé à madame lorsqu’elle peut prouver les violences.
L’autre modification législative qui est intervenue est plus récente, elle date de 2012. Il s’agit d’une adaptation du texte. C’est-à-dire que c’est la possibilité, pour le procureur du roi, lorsqu’on lui dénonce des situations vraiment urgentes et à la police –, parce que, souvent, c’est la police qui est le relais et qui va prendre contact avec le Parquet et le procureur du roi –, de dire qu’il y a une situation d’urgence et la possibilité de prendre une mesure d’éloignement. C’est souvent une confusion avec ce que l’on appelle « les mains courantes », mais c’est le fait de pouvoir éloigner la personne violente et il y a une possibilité pour le Parquet de prendre une décision de « sortir » la personne violente du domicile et de lui interdire, durant quatorze jours maximum, de réintégrer le domicile avec une dénonciation automatique sur le plan du Parquet, au tribunal de la famille. Il y a une saisine, éventuellement. C’est-à-dire le fait d’aller, peut-être, devant le tribunal de la famille, ce n’est pas obligatoire, tout le monde restera « maître du jeu » et du temps et y ira quand il voudra y aller, mais, automatiquement, le tribunal de la famille est informé et vous avez la possibilité de demander cette mesure pour qu’elle soit confirmée et, éventuellement, renouvelée dans le temps et au-delà des quatorze jours. C’est très important, parce que, très souvent, les personnes qui veulent partir, derrière, il n’y a pas que la personne, mais il y a également des enfants.
Quand vous partez seule, il y a la possibilité qu’un ami ou un membre de la famille vous accueille, mais si vous avez deux ou trois enfants, que la question de l’école se pose et que votre famille n’habite pas nécessairement dans la même région, il est très compliqué de pouvoir quitter votre conjoint sans avoir ces mesures-là.
En l’hypothèse, simplement derrière tout cela et en filigrane, nous sommes là pour conseiller, nous ne sommes pas là pour imposer. Il n’y a aucune personne, de quelque nature qu’elle soit, qui puisse imposer de faire une procédure. La procédure doit être réfléchie et elle doit être intentée quand on est prêt à l’intenter, sinon ce serait une véritable catastrophe.
Nous sommes là pour rassurer et pour expliquer que la personne a, peut- être, des moyens d’agir et qui la protégeront par rapport à cela.
Indépendamment de cela, on envisage, aussi, toutes les mesures particulières qu’il est nécessaire de prendre lorsque l’on se sépare. Quelles sont-elles ? Il s’agit du dossier qui a été réalisé par les assistants sociales et si vous avez déjà été déposer des plaintes – ce n’est pas la majorité des cas –, il faut conserver ces plaintes, car selon leur ancienneté, malheureusement et malgré nos services juridiques informatisés et dont la police dispose, on ne retrouve pas nécessairement les plaintes. Les plaintes sont souvent égarées. Quand les ai-je déposées ? Où ? Quelle année ? Malgré ce questionnement, il n’est pas toujours évident de retrouver les plaintes déposées ; cela ne veut pas dire qu’on ne les retrouvera pas, c’est pourquoi il vaut mieux les conserver.
Il faut également conserver les photographies, même si vous ne déposez pas plainte, même si vous n’avez pas été voir un médecin. À l’heure actuelle, avec les smartphone et autres, la plupart des personnes ont le réflexe de prendre des photos. Mais il faut surtout faire en sorte de les conserver et d’en avoir un exemplaire. L’un des premiers éléments qui est saisi par l’auteur des violences, c’est le téléphone. Il va soit le neutraliser en le lançant contre le mur ou en le jetant bien loin, mais, en tout cas, il sait que, souvent, il contient des preuves : messages, photos… Il est important de parvenir à conserver toutes ces preuves.
Il faut également prendre des photographies du logement. Pourquoi ? Cela peut paraître ridicule. Mais, indépendamment de l’inspection des lieux et s’il doit y avoir, à un moment donné, un dossier pénal, c’est-à-dire que le dossier ira devant le tribunal, et qu’il faudra prouver les violences dont vous avez fait l’objet qui sont intramuros –, sans témoin –, souvent les avocats de la partie adverse disent que ce que la victime dit n’est pas cohérent : la victime dit que ça c’est passé à tel endroit… Il est important d’avoir une disposition des lieux, mais c’est aussi important pour le moment où il faudra parler du partage des effets personnels, des biens, des meubles et autres, de l’état du bâtiment, puisqu’il y a des gens qui se vengent en saccageant le bâtiment. Si vous disposez de photos de ce bâtiment à intenter à un temps présent lorsque vous partez, vous pourrez prouver l’état dans lequel il était.
Parfois, cela fait sourire les gens parce que je leur dis qu’ils doivent acheter un journal et qu’ils doivent faire une photo avec le journal, car ainsi ils auront la date. C’est une réaction stupide, c’est primaire, mais c’est la plus efficace. C’est la réaction qui vous permet à intenter ce qui est advenu et la manière de faire les choses.
Il faut aussi essayer de conserver une copie des documents familiaux qu’ils soient en rapport avec le prêt de l’immeuble, en rapport avec la façon dont on l’a payé, les extraits bancaires, et, aussi, des fiches de paye, éventuellement, de monsieur.
Je suis toujours effaré après vingt-deux, vingt-trois ans de métier, de recevoir, toutes catégories confondues, des victimes qui ne savent pas ce que leur compagnon ou leur conjoint gagne. Il est tout de même effarant de voir que, de nos jours, en 2020, des personnes qui ont vécu, durant quinze ou vingt ans, sans savoir ce que l’autre gagne, qui ne savent même pas où sont les comptes bancaires, qui ne savent même pas s’il y a des économies ou si elles sont titulaires d’un immeuble. Elles pensent, comme on leur a toujours dit, qu’elles n’ont le droit à rien, alors que dans les faits, elles ont signé et elles sont titulaires d’un immeuble ou d’un compte bancaire avec monsieur.
L’autre volet qui me vient à l’esprit, et j’aurai peut-être dû commencer par celui-là, c’est la question des enfants. Neuf fois sur dix, le frein qui fait que les victimes ne partent pas, ce sont les enfants.
Il est toujours difficile de rassurer sur ce point, parce que le législateur a mis en place une loi, il y a plusieurs années, qui – après plus de vingt ans de ce qui se passait au Québec, à peu près le même temps en France –, admet l’hébergement égalitaire. C’est-à-dire, théoriquement, un hébergement de cinquante pour cent chez chacun des parents.
La crainte des victimes, c’est qu’elles s’interrogent sur la personne avec qui les enfants vont rester, sachant qu’en plus, souvent, la personne qui part, la dame, a une image un peu dénaturée de sa qualité de maman et les conjoints en jouent très souvent. Le problème, pour les avocats, c’est d’arriver à expliquer que, malheureusement, au niveau des tribunaux – on nous le dit à chaque fois –, ce n’est pas parce que vous avez eu un mari violent, que vous avez forcément un mauvais papa qui n’a pas les aptitudes parentales et qui est automatiquement violent avec les enfants. C’est un discours très difficile à entendre pour les personnes qui veulent se séparer, parce qu’elles se disent que si elles sont victimes de violences conjugales et qu’elles le prouvent ou qu’elles sont en mesure de l’objectiver, on leur donnera les enfants automatiquement. Malheureusement, la réponse est non. Il s’agit d’un non franc et catégorique, parce que c’est beaucoup plus compliqué que cela.
Il faut expliquer simplement qu’elles peuvent partir, qu’il faut organiser le plus rapidement les mesures et, si possible, avec un tribunal et que, dans ce cadre-là, il faut aussi réfléchir à la façon de les organiser. Si vous partez et que vous mettez immédiatement ce que l’on appelle un hébergement égalitaire, il sera très difficile ensuite d’aller prétendre devant un tribunal que le papa est une mauvaise personne, qu’il peut être violent avec les enfants ou qu’il n’a pas les aptitudes. Systématiquement, on demandera à la dame pourquoi elle est partie en laissant les enfants. Il s’agit vraiment d’un cercle pervers, c’est pourquoi il faut savoir ce que l’on peut faire.
Cela vaut ce que cela vaut, mais, dans un premier temps, je dis souvent aux personnes, si c’est elles qui partent, partez avec les enfants, si vous avez des motifs ou des raisons d’expliquer qu’il pourrait y avoir des craintes pour la sécurité des enfants. Encore une fois, au regard des tribunaux, un mari violent n’est pas forcément un père violent ou un mauvais père.
Je ne peux pas entendre que – même si ces violences se dérouleront, à un moment ou un autre, devant les enfants – de voir un papa qui frappe sur une maman, cela ne perturbera pas les enfants. Et on sait que les scènes de violences peuvent être importantes. Lorsque je parle de violence, il ne s’agit pas uniquement de voir une personne tuméfiée avec des coups, cela peut être aussi bien verbal, qu’économique, que sexuel. C’est une réalité. Dans les violences conjugales, on inclut, malgré le fait d’être marié, la possibilité d’avoir des violences dites sexuelles, c’est-à-dire des rapports que l’on n’a pas voulus, mais pour lesquels on n’a pas su dire non, puisque l’on est tout simplement avec son mari, souvent dans l’intimité d’une chambre ou ailleurs.
Il faut également que l’on évoque l’aspect alimentaire avec les victimes de violences conjugales. C’est le fait de rappeler que si on se sépare, en fonction du mode d’hébergement, égalitaire ou pas, on va tenir compte des revenus des personnes. On va devoir justifier les revenus pour obtenir un secours alimentaire ou une part contributive pour les enfants, ainsi qu’un secours alimentaire pour vous, en tant que personne, en tant qu’épouse qui n’a pas de revenus. Dans ce cadre, on définira un montant, il y aura les allocations familiales qui viendront derrière et il y aura des frais extraordinaires, même si le conjoint ne cessera jamais de répéter que, de toute façon, il ne payera jamais rien. Car s’il y a une décision de justice – et fort heureusement, c’est une des seules choses qui ait fortement évolué ces dernières années –, il y a une possibilité d’aller chercher des revenus même chez une personne qui est au chômage, car ce n’est pas parce qu’il s’agit d’une personne avec des revenus limités, qu’elle ne payera rien.
Les modalités pratiques
Encore une fois, nous sommes là pour informer et nous ne sommes pas là pour imposer quelque chose ou on n’est pas là pour entamer un dossier, on ne le fera jamais au sein des plannings. On est là en dehors de notre cabinet d’avocats.
Vous pouvez effectivement aller vers la Maison de la justice et être accompagnée avec les services qui sont mis en place. Vous pouvez avoir un avocat gratuit et vous n’aurez pas forcément un mauvais avocat, parce que ce sont des avocats, comme on les appelle, pro Deo. Bien souvent on dit qu’ils sont mauvais. Il faut se rendre compte que cela a fortement évolué ces dernières années, voire cette dernière décennie, et que la plupart des avocats, même les plus anciens maintenant, font également de l’aide légale et que vous pouvez avoir un avocat dans le cadre de l’aide légale, tout en sachant que, effectivement, il y a des montants qui ont été revus à la hausse. Il y a beaucoup de personnes qui entrent maintenant dans les conditions d’octroi d’un avocat pro Deo. Pourquoi ? Parce que, très souvent, on rencontre des personnes qui ont mille quatre cents ou mille cinq cents euros de revenus par mois et qui pensent être au-dessus des conditions, puisqu’auparavant c’était aux alentours des mille deux cents euros. Maintenant, il y a une majoration par enfant à charge qui est de l’ordre de deux cent soixante euros et le plafond a été augmenté quand on a des enfants à charge et autres. Le plafond est maintenant de près de mille six cents euros, plus les enfants à charge. Par exemple, si vous avez deux enfants et que vous avez deux mille euros par mois de revenus, vous êtes dans les conditions légales d’octroi d’un avocat pro Deo.
Quand on sait que c’est souvent un frein pour aller consulter un avocat ou pour supporter les frais de la procédure, c’est important.
On leur signale aussi –, on le fait systématiquement au niveau du planning familial de Namur –, la possibilité d’aller voir des modèles. Il y a des gens qui souhaitent le faire sans avocat, car ils considèrent que c’est agressif. C’est pourquoi il y a des modèles qui existent. Il suffit d’aller sur Internet et de taper tribunal de la famille de Namur, et vous y trouverez des formulaires préfaits en ligne et vous pouvez, déjà, aller les télécharger et les remplir. On vous dit simplement les documents qu’il faut joindre.
Si vous êtes mariée, il vous faut l’acte de mariage ; il vous faut votre contrat de mariage, s’il y en a un, car ce n’est pas obligatoire ; il vous faut les extraits d’acte de naissance de chacune des parties, c’est-à-dire monsieur et vous, celui des enfants et il faut des certificats de résidence.
Il faut prendre garde au fait que ces documents sont uniquement valables en moyenne quinze jours. Pourquoi ? Parce que lorsque l’on convoque quelqu’un, à savoir monsieur si vous introduisez une procédure, on doit être sûr et certain de savoir où il vit. Il faudra les redemander si vous prenez un peu plus de temps de réflexion.
Voilà les informations que l’on essaye de donner, dans les plannings familiaux, sur le plan juridique.
Informations complémentaires
Année | 2020 |
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Auteurs / Invités | Benoît Hesbois |
Thématiques | Droit / Législation, Droits des femmes, Lutte contre les violences entre partenaires / Violences de genre |