Description
« Admettons que la science surmonte toutes les difficultés. Admettons qu’elle finisse par comprendre comment s’est formée la vie, et comment ont évolué les espèces, et ce qu’est la conscience.
Et après…? Est-ce que d’autres énigmes aussitôt ne vont pas surgir à notre esprit ? Qu’est-ce que cette matière capable de vie et de pensée ? Quelle en est l’origine ? Et l’origine de toutes choses ? Et l’origine des origines ?
Ne sentons-nous pas qu’il est impossible que nous n’atteignions jamais une réponse telle qu’elle n’ensemençât pas de nouvelles curiosités, qu’elle ne provoque de nouvelles questions. »
Jean Rostand
Construction du paradigme. Déterminisme ou hasard ? Un rappel
Les premiers éléments du paradigme de base relatif au Comment du Monde se résument en ces quelques mots :
- il existe un réel qui est objectif et qui est indépendant de la conscience que j’en ai. Que l’homme n’ait jamais vécu, que toute vie disparaisse de l’univers n’empêchera pas ce réel d’être ;
- l’homme ne perçoit de ce réel qu’une apparence, car la vision de l’objet par l’homme est fonction de ses sens ;
- ce réel, le cosmos, n’est qu’Énergie, la matière n’est elle-même qu’une forme particulière de cette énergie, même si je ne puis pas dire ce qu’est l’Énergie ;
- ce réel n’est jamais deux fois semblable à lui-même ;
- les êtres dits vivants, en ce compris les êtres humains, ne sont qu’une structuration complexe de la matière. Leur vie est unique. Rien d’eux-mêmes ne survit lors de la destruction de cette structuration particulière.
Il convient maintenant de me positionner sur l’épineuse question du « déterminisme ».
Einstein disait : « Dieu ne joue pas aux dés ». Autrement dit le hasard n’existe pas. Quelle part de vraisemblance faut-il donner à cette affirmation. L’illustre physicien en a-t-il tiré toutes les conséquences ? En a-t-il perçu les éventuelles contradictions ?
Une loi probabiliste
Je me suis un jour amusé à lancer sans cesse une pièce de monnaie en l’air, à la ramasser et puis à la relancer ! Sur les quatre cent dix-neuf occurrences, j’ai obtenu deux cent six « pile » et deux cent treize « face ». Si j’avais poursuivi des heures durant, j’aurais obtenu un nombre équivalent de résultats « pile » et de résultats « face ». La probabilité d’avoir la face « pile » est de 1/2.
J’avais auparavant essayé de tenir la pièce de monnaie toujours de la même façon et de la lancer en l’air de la même manière. En ce faisant, j’espérais arriver à reproduire exactement les mêmes conditions avec deux lancers.
Et montrer par là que si j’avais dans un cas l’occurrence « pile », je devais avoir dans l’autre cas également l’occurrence « pile ».
Je n’ai pas obtenu confirmation de cette hypothèse parce qu’il m’a été impossible de reproduire les mêmes conditions initiales, pas plus dans les conditions de lancer que de réception de la pièce.
La pièce de monnaie n’a pas la « liberté » de montrer son côté « pile » ou son côté « face ». Chaque retombée de la pièce est motivée par un ensemble de facteurs qui conditionnent le résultat. Si la force, la direction et la vitesse du lancer de la pièce, la position de la main par rapport au point de chute… étaient les mêmes lors de deux essais, le résultat ne pourrait qu’être identique.
Mais en tant qu’opérateur, il ne m’était pas permis de connaître la multiplicité des éléments causals. Et, de ce fait, je me trouvais dans l’incapacité de prédéterminer l’issue.
Le chaos déterministe
En plus, il faut ajouter que l’on peut obtenir l’occurrence « pile » – ou l’occurrence « face » – avec des conditions différentes de lancer et de réception.
Le même résultat – appelons cela l’effet – peut être obtenu avec des ensembles de causes qui ne sont pas semblables.
Apparemment, on est amené à croire que, parce que l’« effet » est unique, on n’a à faire front qu’à un seul et même phénomène. Mais l’obtention du même résultat ne garantit en rien que l’on puisse déduire que les « ensembles de causes » soient identiques.
Lorsque le nombre d’expériences tend vers l’infini – on s’en approche avec un très grand nombre d’expériences –, le nombre d’« ensembles de causes » qui donne naissance à l’occurrence « pile » est égal à l’ensemble de causes qui fournit l’occurrence « face ». On se trouve en présence de ce qui est appelé une « loi probabiliste ».
Le phénomène obéit à un « déterminisme de fait » qui est voilé à l’entendement humain du fait de la multitude de causes intervenantes. Il s’agit d’un « pseudo indéterminisme », dénommé « chaos déterministe ». Le phénomène n’est pas lié au hasard.
D’autres phénomènes physiques existent où le « chaos » est de même nature. Des recherches ont été effectuées en météorologie et ont montré que des systèmes « erratiques » pouvaient être engendrés par des modèles simples. Le fait que ces comportements sont « chaotiques » ne doit pas faire oublier qu’ils ont une origine déterministe. L’apparent indéterminisme de ces systèmes est dû au fait qu’ils sont extrêmement sensibles à des variations minimes des conditions initiales.
La notion de hasard
Que doit-on dès lors entendre par le concept de « hasard » ?
Étymologiquement, ce mot vient de l’arabe « al-zahr » qui signifie « jeu de dés ». Mais ce type de jeu n’est pas non plus un « jeu de hasard ». Comme le jeu de pile ou face de la pièce de monnaie lancée en l’air, le jeu de dés est dirigé par un pseudo indéterminisme. Et dans ce cas également, avec une « loi probabiliste » dont le résultat est qu’il y a une probabilité de un sur six d’avoir la sortie d’un des chiffres inscrits sur les six faces du dé.
Si deux dés sont lancés, la probabilité d’avoir la sortie du chiffre « 1 » est de 1/6. Il en est de même pour la sortie du chiffre « 5 » sur l’autre dé. La probabilité d’avoir la sortie des chiffres « 1 » et « 5 » est obtenue en multipliant 1/6 par 1/6, soit 1/36.
Pour un jeu plus compliqué, par exemple un jeu semblable au Lotto, mais avec trente-six boules. Puisqu’il y a trente-six boules, la probabilité d’arrivée d’un des chiffres est de 1/36 lors du premier tirage. Lors du 2e tirage, il ne reste plus que trente-cinq boules dans la sphère. La probabilité de sortie d’un chiffre n’est plus que 1/35. Et aux quatre tirages suivants, les probabilités deviennent 1/34, 1/33, 1/32 et 1/31.
La probabilité d’arrivée de la suite des nombres « 1 », « 15 », « 22 », « 31 », « 33 » et « 36 » s’obtient par la multiplication suivante : (1/36) x (1/35) x (1/34) x (1/33) x (1/32) x (1/31) soit 1/1.402.410.240.
Concrètement, que signifie cette probabilité ? Simplement qu’il y a 1.402.410.240 combinaisons possibles de ces six chiffres, et que chacune d’entre elles a autant chance de survenir qu’une autre. Et par là que la sortie de la combinaison « 1 », « 2 », « 3 », « 4 », « 5 » et « 6 » a autant de chances de survenir que la combinaison « 1 », « 15 », « 22 », « 31 », « 33 » et « 36 ». Du moins si les boules et l’appareillage employés sont parfaits.
Les jeux de hasard n’existent pas.
Le résultat serait chaque fois prévisible si l’on connaissait les tenants et aboutissements du phénomène. Le fait que les causes nous sont inconnues ne doit pas tromper : les phénomènes sont déterminés.
Les lois physiques
Mais qu’en est-il de la nature des lois physiques ? Laissent-elles une part au hasard dans le déroulement de la vie du monde ? Ces lois sont-elles absolues en impliquant un déterminisme sans faille de la nature ?
Il est difficile de donner la réponse à ces questions.
Les lois physiques ne sont que des lois à valeur « statistique » qui ne permettent pas de fixer la modification de chaque élément individualisé. Elles ne fournissent que le déroulement moyen d’un phénomène impliquant un grand nombre d’individus.
Nous savons, par exemple, que la moitié des atomes d’une petite quantité de toute matière radioactive se désintègre au bout d’un certain temps qui est dénommé « période ». Cette loi est valable tant que les masses restent assez inférieures à une valeur appelée « masse critique » qui provoque une réaction en chaîne et l’emballement du processus.
Si j’étais « déterministe », je devrais, du moins théoriquement, être capable de dire quel atome précis va se désintégrer à un instant donné. Et le fait que je ne pourrais pas le vérifier pratiquement tiendrait tout bonnement à l’impossibilité matérielle d’isoler un atome radioactif de ses congénères. Dans ce cas, la loi statistique collective ne serait que la sommation d’un ensemble d’effets bien identifiables. Les atomes ne seraient évidemment pas identiques. Ils auraient chacun leur histoire. Mais la distribution des écarts individuels serait déterminée.
De la même manière, puisque la « réaction en chaîne » se produit lorsque la masse d’atomes radioactifs s’approche de cette « masse critique » qui fait que les influences d’atomes sur d’autres atomes accélèrent la survenance du déséquilibre qui donne naissance à la désintégration, ces influences pourraient-elles se faire avec causalité pour l’ensemble ou de façon aléatoire, sans déterminisme pour l’atome pris individuellement ?
L’inhomogénéité du cosmos
Lorsque l’on examine le cosmos, on doit se rendre à l’évidence qu’il n’est pas homogène. Cette hétérogénéité, qui peut dire si elle est congénitale ou acquise avec le temps ?
Mais pour un déterministe absolu, le monde ne peut pas avoir été homogène au début des temps, car, si à tout effet doit correspondre une cause, le réel a dû avoir en lui-même dès le départ sa « structure de changement » pour provoquer l’hétérogénéité.
La réponse est différente si le hasard existe vraiment.
L’homme est-il fondamentalement déterministe ?
D’une certaine façon, oui. Aucun de ses actes conscients n’est gratuit et tout son être tend à orienter son action pour obtenir le résultat qu’il souhaite voir se réaliser. Aussi est-il désorienté lorsqu’il ne se sent pas maître du processus, lorsque les conséquences de ses actes ne cadrent pas avec ses prévisions, lorsqu’il n’aperçoit pas l’existence d’un fil conducteur entre la cause et l’effet.
Et cette épineuse question à laquelle la raison ne peut pas répondre, m’a taraudé l’esprit, à savoir : des effets qui n’ont aucune cause précise, peuvent-ils survenir ? Une même cause, peut-elle engendrer des phénomènes différents de façon aléatoire ?
Je ne puis pas affirmer que le « hasard » n’existe pas. Le hasard existe peut-être. Le temps a existé où je niais cette possibilité. Mon esprit était gouverné par les a priori d’un rationalisme scientiste. J’étais déterministe. En ce temps-là, j’aurais répondu qu’à toute cause ou ensemble bien défini de causes ne pouvait correspondre qu’un seul effet. Et réciproquement, à l’effet ne pouvait correspondre qu’une cause ou un seul ensemble de causes interdépendantes. J’aurais clamé bien haut et fort le dogme de la relation univoque entre la cause et l’effet, et sa réciproque.
Mais mon esprit n’est plus le même : il a été expurgé de cette dogmatique.
Je m’interdis à présent de nier la possibilité de l’existence d’effets sans cause bien définie. Mais apporter une preuve de cette assertion est chose impossible.
L’expérimentation ne permet en effet de mettre en évidence que les phénomènes qui obéissent à une loi. Et si le phénomène est régi par le hasard, c’est-à-dire s’il n’obéit à aucune loi, comment en déceler la présence ?
Le hasard n’est pas réplicable. Il est donc indécelable.
La motivation de mon choix
Le véritable hasard ne peut jamais, de ce fait, ni être prouvé, ni être nié. Il ne peut que passer inaperçu.
Mais puisque je ne veux pas résider dans l’inconfortable position du doute perpétuel, j’ai été contraint de choisir. De me tromper peut-être. L’existence du hasard, du « vrai », non pas celui qui n’est que la marque de notre ignorance, non pas celui des causes cachées, fait maintenant partie de mon paradigme. La progression de ma réflexion était à ce prix.
Mais le hasard ne travaillerait pas dans le vide. Il se déploierait dans un réel où les lois probabilistes existeraient. Il ne serait pas maître des ensembles, mais gouvernerait uniquement certains aspects des individualités qui les composent.
Pourquoi ai-je été amené à un tel choix ?
Simplement parce que si j’étais d’un avis contraire, je devrais nier toute possibilité de choix pour l’homme. Je suis trop orgueilleux pour admettre que je suis tout à fait déterminé et que je ne dispose pas du moindre degré de liberté.
La liberté humaine d’agir
En effet, puisque dans ma conception de moniste matérialiste, l’homme n’est qu’une partie du réel. Si le monde est déterminé, je dois l’être aussi. Il s’ensuivrait que chacun de mes actes le serait. Une espèce de prédestination chère à certains théologiens… Chaque acte que je poserais serait dans ce cas prévisible. Chaque parole que je prononcerais devait être prononcée puisqu’elle ne serait que la résultante d’une multitude de causes réelles, même si leur complexité fait que je n’en suis pas conscient.
Ce n’est que dans le cas où une place spéciale serait réservée à la « possession d’une âme » par l’homme pour le différencier de tous les autres êtres vivants que l’on pourrait concevoir la coexistence pacifique d’un indéterminisme pour la créature humaine et de la négation du hasard pour le reste du monde animé de vie et pour le cosmos matériel au sens vulgaire du terme.
L’homme : créature du hasard !
J’estime d’ailleurs être une créature de ce hasard. Qu’est-ce à dire ? J’aurais tout aussi bien pu ne pas naître que naître.
Si le grand livre de l’histoire du monde vivant existait, il n’y aurait pas selon moi de page qui me serait consacrée et où serait inscrit qu’un enfant de sexe masculin, fils de Georges et de Jeanne, devait voir le jour le 1er janvier 1932.
Je pense de la même manière qu’il y a un siècle ou cent mille ans, il n’existait pas de certitude déterministe selon laquelle les presque sept milliards d’êtres humains qui peuplent aujourd’hui notre planète seraient aujourd’hui sur terre et qu’ils seraient bien ceux qui maintenant sont là. Et personne d’autre. Ni que les guerres, les massacres, les génocides, les tortures, les famines, les épidémies… qui ont meublé les cinquante mille ou cent mille années d’existence de l’homo sapiens sapiens ne pouvaient pas être évités.
À peine avais-je prononcé cette profession de foi que la réflexion d’un ami m’est venue à l’esprit.
« Ainsi donc tu ajoutes foi au ‘‘bête hasard’’, à cette commodité verbale qui n’explique rien. Ne vois-tu pas qu’il y a en toutes choses une logique, une cohérence, mais oui, utilisons le mot une intelligence qui laisse perplexe le plus sceptique des sceptiques, pour autant qu’il abandonne au vestiaire ses préjugés et sa superbe ? »
Ce faisant, cet ami ne comprenait pas que dans le monde vivant, tout ce qui n’est pas adapté au milieu dans lequel il baigne, est condamné à disparaître. Dans ma conception, il n’est nullement question d’invoquer à tout bout de champ le « bête hasard », comme les théologiens font appel au concept de « Dieu », pour expliquer des phénomènes qui paraissent incompréhensibles et qui ne le sont que momentanément. Ces phénomènes font peut-être partie de l’« inconnu temporaire ». Aussi faut-il avoir l’humilité de confesser « Je ne sais pas » et se garder de vouloir trouver une explication à toute chose à tout prix. La progression dans la compréhension du Comment du Monde est question de patience et de ténacité.
Par l’acceptation du concept de « vrai hasard », je veux nier tout à la fois le terrorisme du déterminisme absolu et l’écartement de l’homme de la nature dont il n’est qu’un élément.
L’émerveillement
Cet ami poursuivait en m’intimant : « Donne-toi la peine d’ouvrir les yeux devant la nature et de regarder les choses en homme neuf. Tout ce qui existe est source d’émerveillement… »
Mais certainement ! Il est vrai qu’il y a dans le monde vivant des réalisations qui émerveillent. Qui ne le serait pas ? Devant elles, l’homme sent, avec toutes ses connaissances, qu’il est petit. Insignifiant. Incapable de reproduire artificiellement certains de ces prodiges. Le simple examen de l’usine physico-chimique qu’est une cellule eucaryote peut stupéfier !
J’éprouve ce sentiment. Je suis impressionné devant les merveilles du cosmos. C’est exact.
Comme par ailleurs lorsque je visite par exemple une centrale nucléaire ! Je me sens faible, désarmé devant toute cette ingéniosité. Et je ne peux qu’admirer l’intelligence de cette multitude de créateurs dont l’entremêlement des compétences a permis d’accomplir une telle œuvre.
Mais je me garde de l’attitude anthropomorphique qui, se basant sur le fait que, derrière la construction humaine, il y a un ou des créateurs, amène à penser qu’il doit en être ainsi aussi pour le monde.
Le finalisme
Cet ami qui constatait que
« … tout ce qui existe est source d’émerveillement du fait de sa conception, de son agencement et de sa cohérence avec sa finalité »
sombrait, sans s’en rendre compte, dans le finalisme. Il cédait devant l’étonnement que procure tout phénomène allant dans un sens bien déterminé, qui semble soumis à une convergence.
Lorsque l’on s’intéresse au phénomène de la vie sur terre, on constate que celle-ci s’est complexifiée. Des convergences dans la complexification se sont dégagées.
Au début, il y a trois milliards huit cents millions d’années selon les dernières estimations, n’existaient que les cellules sans noyau, les procaryotes présents sous forme de bactéries et d’algues. Il y a un milliard cinq cents millions d’années, les êtres monocellulaires à noyau, les cellules eucaryotes, étaient là. Quelques cinq cents millions d’années plus tard, les associations de cellules ont émergé pour former un corps unique. Cinq cents millions d’années ont encore été nécessaires pour que surviennent les vertébrés. Les premiers mammifères ont été présents sur terre il y a quelque deux cents millions d’années.
La disparition de la plupart des reptiles il y a soixante-cinq millions d’années a permis un extraordinaire développement de ces mammifères soit sous la forme marsupiale dont il ne reste comme vestige que la faune autochtone d’Australie, soit sous la forme placentaire dont nous sommes issus.
L’homme est le mammifère terrestre dont l’écorce cérébrale est la plus riche. Et l’examen des cerveaux des mammifères, en partant des insectivores jusqu’aux grands singes, semble indiquer qu’il y a une convergence dans cette complexification du néocortex pour aboutir à l’être humain.
Les finalistes en ont déduit que toute l’évolution de la vie sur terre n’était destinée qu’à donner naissance à notre espèce. L’homme en serait la finalité. Il serait le point W vers lequel le vivant devait se diriger et auquel il devait aboutir.
La convergence, source d’illusion !
On ne peut pas nier l’existence d’une telle convergence, mais il faut constater qu’elle n’est pas la seule à se manifester. Mais plus important est de faire remarquer que l’apparition d’une convergence n’implique pas nécessairement la présence d’une finalité dans le phénomène où elle se présente. Elle peut être un leurre.
Un « jeu de hasard » doit permettre d’éclairer cela. Prenons une urne. On y place une boule blanche et une boule noire. On procède à un tirage. Supposons avoir en main une boule blanche. La probabilité d’avoir une boule blanche est à ce moment de 1/2.
L’opération suivante consistera à remettre dans l’urne la boule blanche et une boule de la même couleur. La probabilité d’avoir à nouveau une boule blanche est de 2/3, puisqu’il y a maintenant deux boules blanches et une boule noire dans l’urne.
Refaisons la même opération. On tire à nouveau une boule blanche. En replaçant dans l’urne deux boules blanches, la probabilité d’en tirer à nouveau une, monte à 3/4.
Un nouveau tirage donne une boule noire. On remet deux boules noires dans l’urne. La probabilité précédente devient alors 3/5.
On poursuit une cinquantaine de fois cette opération. L’urne contient à ce moment-là, tout à fait aléatoirement, par exemple trente-six boules blanches pour seize boules noires. La probabilité d’avoir une boule blanche au prochain tirage est de 36/52. Poursuivons les tirages avec les mêmes processus de replacement des boules.
On constate que la probabilité de tirer une boule blanche change de moins en moins et s’oriente vers une valeur bien déterminée : il y a convergence. Va-t-on en tirer une preuve de finalité et prétendre que ce résultat et uniquement celui-là devait nécessairement être atteint ?
Non, certainement pas, car si l’on recommence toute l’opération, on constate à nouveau un phénomène de convergence, mais pour une autre valeur de la probabilité. Et un troisième tirage montrera aussi le phénomène de convergence, mais pour une troisième valeur. Et ainsi de suite…
Il existe un ensemble infini de valeurs différentes des convergences pour les tirages de boules. Je n’effectuerai pas tous ces tirages.
Les concrétisations du monde vivant
De la même manière, le monde vivant de notre planète, qui est détenteur d’un potentiel phénoménal de concrétisations, n’en a pas exploré toute la potentialité. Et tout comme lorsqu’on a tiré une cinquantaine de boules, des convergences se manifestent, de la même façon les convergences sont apparues dans la genèse des espèces déjà dans les temps géologiques.
Mais ces convergences ne permettent pas d’affirmer l’existence d’une finalité, d’une progression inéluctable vers un type d’animal, de l’animal humain en l’occurrence. Si les grands reptiles de l’ère secondaire n’avaient pas disparu, les mammifères n’auraient pas pu se développer et proliférer. Nous ne serions pas apparus, puisque nous ne sommes qu’une forme de mammifère, aboutissement d’une lignée parmi d’autres.
Sans plus.
Une autre forme animale douée du même esprit que le nôtre aurait pu exister. Elle n’est pas apparue parce que les formes de vie ne se sont pas engagées dans la voie qui aurait pu lui donner naissance, ou se sont interrompues brutalement avant terme.
Si la vie existe dans le cosmos ailleurs que sur la terre, des formes douées d’intelligence n’auront pas nécessairement le même aspect que le nôtre.
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Informations complémentaires
Année | 2010 |
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Auteurs / Invités | Pierre J. Mainil |
Thématiques | Libre examen, Questions et options philosophiques, politiques, idéologiques ou religieuses |