Quelle est la place d’une association constitutive au sein du Centre d’Action laïque ?

Chemsi Chéref-Khan
Claude Wachtelaer
Jacques Lemaire

 

UGS : 2014020 Catégorie : Étiquette :

Description

À tort ou à raison, le Centre d’Action laïque est aujourd’hui perçu comme une sorte d’église, dans laquelle un pour cent à peine de concitoyens se reconnaissent. Fondé par une série d’associations constitutives, celles-ci voient leur rôle mis en question et leurs activités concurrencées.

Des événements récents nous amènent à nous interroger sur la place des associations constitutives au sein du Centre d’Action laïque. Pour évoquer cette question, nous nous sommes tournés vers Claude Wachtelaer, fin connaisseur de la laïcité puisqu’il y a rempli d’importantes fonctions, notamment celle de secrétaire général du Centre d’Action laïque, ainsi que vers Chemsi Chéref-Khan qui est administrateur à La Pensée et les Hommes et vous Jacques Lemaire, qui présidez l’association.

Quand on entend parler le public, il renvoie souvent, du Centre d’Action laïque, l’image d’une église qui est entrain de se constituer avec ce que comporte naturellement une église, c’est-à-dire une hiérarchie, une doctrine, et puis surtout la mise en place de procédures pour faire respecter la doctrine. Que penser de cet avis que l’on entend très généralement et qui a été défendu par feu François Perin  qui est défendu par maître Marc Uyttendaele, avocat constitutionnaliste, qui est défendu par Nadia Geerts, la fondatrice du RAPPEL,… ? Pensez-vous que ce jugement soit correct ou bien qu’il mérite des amendements ?

Claude Wachtelaer, qui a commencé à travailler au Centre d’Action laïque en 1976, donc bien avant qu’il n’obtienne sa reconnaissance auprès de l’État, rappelle que la volonté de créer une Église laïque n’a jamais été celle des initiateurs, des pionniers de la laïcité organisée tel que Robert Hamaide, Paul Backeljauw ou Jean Michot.

Maintenant, cette critique, Claude Wachtelaer est conscient qu’on l’entend souvent, et l’explique par différentes choses : les laïques sont fondamentalement et foncièrement des individualistes, donc organiser la laïcité c’est évidemment un problème, même s’il marque son accord avec l’idée de la laïcité organisée, parce qu’elle répond et a répondu à des besoins vraiment concrets. Il y a cet aspect-là et il y a une méfiance aussi par rapport à une dérive qui deviendrait dogmatique, que ce dogmatisme soit philosophique ou idéologique ou politique, mais aussi parce que le laïque de base, le laïque lambda, n’a pas une très bonne connaissance du fonctionnement des associations laïques et du Centre d’Action laïque en particulier.

Fondamentalement, à l’origine, il n’était pas question de créer une Église laïque, mais que, comme tout système, comme toute organisation, on doit toujours, surtout si on y adhère et si on veut contribuer à son développement, être vigilant par rapport à des dérives qui seraient des dérives de contrôle idéologique ou des dérives de contrôle bureaucratique tout simplement.

Chemsi Chéref-Khan s’interroge sur cette évolution et se demande si elle n’était pas inéluctable dans la mesure où, dans les conditions de création du CAL, il y a le contexte actuel, mais hérité du passé, des « piliers » religieux, c’est-à-dire, à l’époque en tout cas, les cultes catholique, protestant, anglican et israélite. Au moment où il a été question de reconnaître les associations philosophiques non confessionnelles, comme le dit la loi, mais on parlait de la laïcité aussi, nous étions dans le contexte de la reconnaissance du culte islamique à la suite de l’incendie de l’Innovation en 1967.

À cette époque, la Belgique flirte avec l’Arabie, et c’est dans ce contexte-là que le roi Baudouin va en Arabie en 1968. L’Arabie trouve que reconnaître ou aider les cultes, c’est fort bien, mais estime qu’il faudrait aussi reconnaître le culte islamique.

Au début des années 1970, on commence à parler de la reconnaissance du culte islamique, mais les laïques qui étaient aussi concernés par ce malheur de l’incendie de l’Innovation, où il y a eu plusieurs centaines de victimes pour lesquels il y a eu des cérémonies religieuses, y compris islamiques, les laïques n’ont pas trouvé leur place dans ces différentes commémorations. Il n’y avait pas de cérémonie laïque, ou en tout cas, on ne rendait pas hommage aux défunts qui n’adhéraient pas à un culte.

Dans ce contexte-là et peut-être à cause de cela, les dirigeants laïques ont demandé à être reconnus, mais d’une certaine manière dans le cadre des cultes et cela on ne peut pas en faire abstraction. C’est une chose d’être reconnu dans le cadre de l’Éducation permanente comme La Pensée et les Hommes et la plupart des associations du terrain, c’est une autre chose d’être reconnu en tant que CAL dans le cadre des cultes, donc d’être organisé un peu à la manière des cultes, même si ce n’est pas le même article de la Constitution qui règle la question, mais c’est une source d’ambiguïté, selon Chemsi Chéref-Khan. D’après lui, une autre source d’ambiguïté serait le rôle du Centre d’Action laïque par rapport au domaine des philosophies non confessionnelles et au domaine de la laïcité politique.

Très vite, cette nouvelle organisation a mis l’accent sur les philosophies non confessionnelles, en voulant sans doute mettre un peu d’ordre, un peu de coordination, d’où, peut-être les tentations d’un certain dogmatisme voire même d’un esprit « laïciste » comme disent certains ou « laïcard » comme disent d’autres. Mais quand on dit cela, on vise essentiellement le côté de philosophie non confessionnelle, l’athéisme, etc.

La vocation principale, sur laquelle Chemsi Chéref-Khan souhaite revenir, c’est la laïcité politique. Son point de vue, déjà à l’époque où le président, Robert Hamaide, était à la pointe de ce combat pour la reconnaissance, et partagé par quelqu’un comme Hervé Hasquin – qui est entré à peu près en même temps à La Pensée et les Hommes – était que, quelque part, ils allaient devenir alliés d’un système, qu’ils souhaitaient dénoncer par ailleurs.

Aujourd’hui, l’essentiel du débat se concentre sur le fait que la famille laïque devrait recevoir plus de subsides que l’Église catholique, comme si c’était une « histoire de chiffonniers ».

Mais que s’est-il passé entretemps ? Il a fallu créer, par exemple, le Comité belge de Ni putes, ni soumises, le RAPPEL, l’Association européenne pour la pensée libre, etc., des associations qui cherchent à promouvoir la laïcité politique parce que là, le CAL n’a pas joué le rôle qui était le sien pour des raisons, sans doute, très politiques.

Lorsque l’on a parlé de tentation du dogmatisme, d’aucuns pensent aussi qu’il y a un certain noyautage politique. Ce n’est pas le sujet de notre entretien, mais à un moment donné il faudrait qu’au sein de cette famille, à savoir les associations qui ont créé le CAL et le CAL lui-même, l’on mette sur la table un certain nombre de débats, notamment, la répartition des fonds pour aider les associations dans leurs domaines. Chemsi Chéref-Khan évoque le cas d’une association qui bénéficie d’un employé mis à sa disposition par le Centre d’Action laïque, mais ne connaît pas d’autre action similaire. À La Pensée et les Hommes aucun soutien du CAL n’est attribué, tout ce qui y est fait, y est fait en tant que bénévole. Alors qu’au Centre d’Action laïque, ils disposent de moyens pour aller semer la « bonne parole » en Amérique latine, en Afrique, un peu partout.

Le reproche émis à l’encontre du Centre d’Action laïque est de ne pas susciter une certaine concertation entre lui-même et les autres associations, ce qui donne l’impression, aujourd’hui, qu’il y a une autorité supérieure qui prend des décisions et qui cherche à les imposer à cette diversité des associations laïques dont nous savons bien qu’elles ont des aires d’activités, des aires de réflexion très spécifiques. À La Pensée et les Hommes, on s’occupe de communication en radio et en télévision ; il y a d’autres associations qui ont d’autres préoccupations.

Lorsque l’on prononçait le mot Église en parlant du CAL, c’est parce qu’on l’a souvent entendu dire, mais il y a dans les procédés que le CAL met en œuvre, la méthodologie cléricale. On ne discute pas, on ne se concerte pas, on prend des décisions que l’on croit, sans doute en toute bonne conscience, justes et on les impose aux autres. Que penser de cette attitude ?

Claude Wachtelaer souscrit assez favorablement à l’avis de Chemsi Chéref-Khan sur l’ambiguïté, ambiguïté qu’il a aidé à gérer au CAL de 1976 à 1993.

Cette ambiguïté vient du fait de jouer dans le système des « piliers » – la reconnaissance c’est cela –, et du fait de faire aussi, ou d’essayer de faire du moins, la promotion de la laïcité politique. Cette ambiguïté se prolonge encore aujourd’hui et elle est difficile.

Claude Wachtelaer pense que le problème au sein de la constellation de la laïcité organisée, c’est-à-dire le CAL, stricto sensu, ses régionales et les associations constitutives, c’est aussi un problème lié à la taille.

Claude Wachtelaer se remémore une anecdote : lors de son entrée au Centre d’Action laïque, il n’y avait qu’une seule secrétaire à trois-quarts temps. Aujourd’hui le Centre d’Action laïque et ses régionales comptent plusieurs centaines de travailleurs, sans compter les bénévoles. Depuis 1981, premier moment où les subsides ont été perçus, il s’est passé, par rapport à aujourd’hui, un déséquilibre dans la taille, ce qui, de la création et certainement jusque dans les années 1990, permettait entre les associations constitutives, qui sont souvent très petites et qui ont souvent très peu de moyens et le Centre d’Action laïque, un dialogue qui était sans doute plus équilibré en terme de « rapport de force ». Maintenant que le Centre d’Action laïque est devenu une grosse machine, beaucoup plus grosse que La Pensée et les Hommes qui, elle, est toute petite comme d’autres associations constitutives, il a tendance, comme d’autres grosses machines, à écraser les autres ou à les ignorer. La problématique se situe certainement à ce niveau : « Nous sommes gros, et nous pourrions très bien nous passer de vous pour jouer une partie de notre rôle pour influencer les politiques et prendre des positions publiques. »

Dans le même registre, le CAL peut très bien décider de soutenir certaines associations et pas d’autres, au détriment de la diversité qui est à l’origine et qui fait la richesse de la famille laïque, et dans ce cadre-là, Chemsi Chéref-Khan pense qu’il serait bon de mener une réflexion sur ces questions de rapport entre le CAL et les associations du terrain.

Jacques Lemaire se demande si les décisions importantes dans la gestion des diverses associations laïques ne devrait pas être prises non pas par une petite commission, un comité exécutif ou un conseil d’administration dont le nombre des membres est réduit, mais par une assemblée générale dans laquelle justement toutes les associations laïques et notamment le CAL et les associations constitutives seraient représentés, ce qui assurerait un gage de démocratie.

Le Centre d’Action laïque est une ASBL comme des centaines d’autres et lorsqu’il s’agit de prendre des décisions, non pas de gestion quotidienne, mais des décisions importantes qui influencent la politique au sens noble d’une association qui est constituée d’associations, Claude Wachtelaer ne voit pas d’autre lieu pour des débats de fond que, effectivement, l’assemblée générale. Que ces débats de fond soient préparés en amont entre l’association constitutive qui serait concernée et le conseil d’administration du CAL, bien entendu, mais le débat doit pouvoir être mené plus largement. Rien ne serait plus contre-productif que des décisions prises dans un coin d’une relative discrétion et imposées a posteriori en jouant de l’influence ou sur un rapport de force.

Jacques Lemaire pense aussi que ce serait contre-productif et que ce serait un mauvais présage à propos de ce qu’il se passe maintenant pour une association constitutive, et qui pourrait se passer bientôt à l’égard d’autres associations, ce qui pourrait mener à un précédent.

À partir du moment où, pour régler un problème, on utilise une mauvaise méthode, on peut toujours s’attendre à ce que les mauvais exemples fassent école et contaminent l’environnement, Claude Wachtelaer pense que c’est effectivement un risque majeur. Lorsqu’on dit « contre-productif », c’est aussi un risque de dire que puisqu’il y a cette critique sur l’« Église laïque », c’est-à-dire le fantasme laïque par rapport aux institutions religieuses où tout le monde doit marcher au pas et où tout le monde doit penser la même chose, s’attaquer à une association pour des raisons de désaccord renforcerait le côté Église, puisque ce serait celui qui a le plus d’autorité ou le plus de moyens qui ferait taire celui qui en a le moins. Claude Wachelaer fait une comparaison un peu audacieuse, mais Chemsi Chéref-Khan lui en a déjà un peu soufflé l’idée. Il y a, maintenant, on voit cela au niveau européen, des associations comme Cast for free choice, ou même l’Église catholique, etc. qui se situe en Belgique, qui rassemblent des gens qui adhèrent aux valeurs, mais qui n’adhèrent pas au fonctionnement. Claude Wachtelaer pense qu’il serait préférable d’éviter de tomber dans ce type de débat et préfèrerait que l’on fasse de la prévention en amont par le dialogue.

Chemsi Chéref-Khan souhaiterait soulever un autre point, même si ce n’est pas le débat du jour. Il rappelle que La Pensée et les Hommes a organisé quelques colloques et plusieurs émissions sur la question de l’islam et sur les rapports entre l’islam et la laïcité. Dans ce domaine-là, du côté du CAL il y a eu quelques dérives du type table ronde avec Tariq Ramadan  pour parler du voile islamique qui libère la femme musulmane et des choses dans le même style. Fort heureusement, on a retrouvé le bon chemin par rapport à cette dérive, mais il y a un débat qui est fondamental sur ce thème et c’est la situation, la position ce que l’on pourrait appeler dans notre pays « les musulmans laïques », il y en a et il y en a même beaucoup. Quand Chemsi Chéref-Khan en a parlé il y a quelques années, il lui a fallu expliquer à des laïques notoires qui trouvaient que c’était un oxymore – pour eux on était laïque ou on était musulman –, que l’on pouvait être musulman et laïque au sens politique du terme. Or, le « vivre ensemble » dans ce pays, ou dans les pays démocratiques, avec les musulmans, n’est possible que si l’on favorise cet attachement à la laïcité de ces musulmans qui sont par ailleurs des démocrates. Tous les musulmans ne sont pas pour l’islam englobant qui exclut aussi bien la démocratie que la laïcité. Certains sont parfaitement démocrates et ont admis l’idée, comme nous d’ailleurs, que la foi et la religion doivent demeurer dans la sphère privée, ce qui doit aussi être le cas de l’athéisme pour faire l’exemple. Vis-à-vis de ces musulmans, quand Chemsi Chéref-Khan parle d’être un musulman laïque, il est assez mal pris, car pour eux, dans leurs esprits, la laïcité équivaux à l’athéisme. Il y a donc un problème à ce niveau-là pour que ces concitoyens musulmans, dans leur ensemble, puissent trouver le chemin de la démocratie, des valeurs de la démocratie et de la laïcité pour vivre dans un pays comme le nôtre, On doit pouvoir compter sur eux, et bien… eux ne peuvent pas compter sur nous. Là, il y a donc un vrai problème et jusqu’ici le CAL n’a pas du tout assumé le rôle qui aurait dû être le sien. Dans une Belgique qui se réforme, notre dernier colloque était intitulé Cultes, laïcités et monarchie dans une Belgique (con)fédérale ?, il faut s’attendre à ce que la septième réforme de l’État –, qu’on le veuille ou non, il y en aura une septième –, fasse en sorte que la matière des cultes soit transférée aux entités fédérées. Ce jour-là va se poser concrètement une question, que Chemsi Chéref-Khan soulève souvent, mais sans doute à tort, car ce n’est pas une priorité pour l’instant : « Allons-nous financer les cultes ou les crèches ? » Voilà une question qui va se poser.

Pour l’instant, elle ne se pose pas, car les sources de financement ne sont pas les mêmes, mais le jour où la Communauté française – la Fédération Wallonie-Bruxelles – devra financer, de ses deniers propres, les cultes, comme les crèches, comme les problèmes des familles qui ont des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer, etc., il y aura des nouveaux besoins sociaux, À ce moment-là il faudra choisir si l’on subsidie le CAL, l’Église catholique et pour quel montant, voilà des questions qui vont se poser. Prenons l’exemple, pour la Communauté française, des cours de religion et de morale : la communauté francophone est nettement plus impécunieuse, pour ne pas dire pauvre, que la Communauté néerlandophone, Ces cours-là coûtent nettement plus cher aux francophones qu’aux néerlandophones. Pourquoi ? Parce que l’école publique qui a cette obligation-là, est beaucoup plus répandue du côté francophone que néerlandophone. Nous devons nous préparer à tout cela. Est-ce qu’il y a une réflexion du CAL et des associations constitutives en rapport avec ces questions-là ? Pour Chemsi Chéref-Khan, il est grand temps d’en parler, plutôt que de voyager à l’étranger, que d’organiser un festival de libertés dont on ne voit pas très bien vers quoi cela mène le monde laïque, si ce n’est que cela coûte très cher. Chemsi Chéref-Khan est demandeur à la fois d’une réflexion commune, mais aussi d’une coordination entre les associations constitutives et le CAL.

À La Pensée et les Hommes, nous avons fait beaucoup de choses sur l’islam et Chemsi Chéref-Khan apprend tout à fait par hasard que le CAL subsidie une action d’une initiative du CIERL, alors qu’à La Pensée et les Hommes, nous n’avons jamais reçu le moindre centime du CAL pour l’organisation d’un colloque sur l’islam. Et bien là, puisque le CAL soutien une institution de l’Université pour mener un colloque sur les rapports entre l’islam et les laïques, la moindre des choses, lui semble-t-il, aurait été de demander à La Pensée et les Hommes si quelqu’un avait quelque chose à exprimer sur le sujet étant donné toutes les initiatives prises, les colloques organisés et les publications éditées sur ce thème par notre association. Et donc plutôt que de nous faire une place dans ce domaine-là, on semble dire que nous ne faisons pas bien ce que nous faisons, puisque par ailleurs le CAL souhaite mettre la main sur une partie des activités de La Pensée et les Hommes. Chemsi Chéref-Khan espère que cette appropriation inique n’arrivera pas à d’autres associations.

Dans la vision que Jacques Lemaire a personnellement, la laïcité est nécessairement un courant multiple, divers, qui ne s’identifie pas à une règle fixe, à une définition monolithique unilatérale. Il pense que c’est ce qui fait la force de la laïcité et aussi, que la force des laïques réside dans le fait qu’ils aient des intérêts divers et des visions diverses sur la vie. Il y a parmi les laïques des gens qui sont de traditions protestantes, catholiques, musulmanes, juives, etc., mais qui voient un idéal supérieur où toutes les bonnes volontés peuvent se rassembler pour défendre ce que nous voulons défendre, notamment ce principe sacré de la séparation entre l’Église et l’État. Jacques Lemaire demande à ses invités s’ils souscrivent à cette vision pluraliste de la laïcité.

Chemsi Chéref-Khan souhaite ajouter à cette vision l’autonomie de l’individu. Par conséquent, l’autonomie des associations qui partagent les mêmes valeurs, par ailleurs, et il ne peut concevoir que quelque part, une force supérieure dicte aux autres, dans le cadre de cette autonomie, ce qui est bon pour eux, ce qu’ils doivent faire, c’est la doxa. Dans la famille philosophique à laquelle appartient le courant laïque, il n’y a pas de doxa ni d’orthodoxie.

Nous sommes dans la praxis et il y a une doxa qui est en train de s’installer, de s’instaurer. C’est le dogmatisme ou le laïcisme dans le sens méprisable du terme.

Lorsque l’on a demandé la reconnaissance et le Conseil central des communautés philosophiques non confessionnelles de Belgique est reconnu et on dit bien Communautés philosophiques non confessionnelles, quelque part cela implique une diversité et cela implique qu’il y ait bien évidemment un dénominateur commun, sinon il n’y aurait pas de communauté laïque. Ce dénominateur commun, comme cela a déjà été évoqué, c’est la séparation de l’Église et de l’État, pour faire simple, c’est l’autonomie de l’individu, c’est la liberté en matière de choix éthique, etc. qui sont nos dénominateurs communs selon Claude Wachtelaer. Pour le reste, tout le reste est ouvert au débat et est ouvert à la diversité des sensibilités. Si on est d’accord avec cette idée-là, cela rend une doxa effectivement impossible, et cela rend également impossible que quelque institution que ce soit s’approprie un discours laïque « vrai ». Il n’y a pas de discours laïque « vrai », il y a des sujets de discussion. Claude Wachtelaer évoque l’un de ses amis qui est incontestablement laïque et extrêmement compétent dans cette matière-ci, qui n’est pas quelqu’un qui trouve que la loi sur l’euthanasie est une bonne chose : c’est son droit le plus strict. On ne peut pas confisquer ce genre de choses. Et c’est vrai que cette diversité de la laïcité est représentée par la diversité des associations membres (il y en a quand même vingt-sept), mais aussi par l’existence d’autres associations qui se réclament aussi des valeurs, des principes, de la laïcité tel que le Rappel, mais il y en a d’autres, et qui ne rejoignent pas le Centre d’Action laïque pour des raisons qui sont les leurs. Jacques Lemaire émet l’hypothèse que ces associations ne sont peut-être pas acceptées…

Claude Wachtelaer pense que certaines de ses associations ne souhaitent même pas y adhérer, qu’elles préfèrent fonctionner à la périphérie, indépendamment. Il pense aussi que l’un des rôles d’un organe de coordination, comme le Centre d’Action laïque, comme ses régionales, c’est de faire fonctionner la laïcité au point de vue matériel, au point de vue pratique et c’est d’ailleurs pour cela que ces associations se sont constituées, et pas en vue de définir des contenus idéologiques.

Si au niveau le plus haut de l’institution, on comprend cela, à ce moment-là on préserverait le côté sympathique et le côté intéressant de la Communauté laïque qui est que personne ne publie des encycliques à intervalles réguliers pour dire que la doctrine est comme ceci ou comme cela.

Un autre danger qui a parfois été souligné, constate Jacques Lemaire, c’est l’appropriation par des mouvements politiques du Centre d’Action laïque.

Claude Wachtelaer cite une phrase qui a été dite à la fin des années 1970 et qui a été prononcée par quelqu’un qui était administrateur du CAL à l’époque et malheureusement décédé depuis, c’est Édouard Klein :

« Le jour où vous serez reconnu, vous deviendrez un enjeu. »

Il sous-entendait un enjeu politique…

On proclame bien souvent que la laïcité est fondée sur le pluralisme des idées et des valeurs. Dans la préservation de cette identité, les associations constitutives ont un rôle majeur à jouer, afin d’éviter tout enfermement de type clérical.

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Informations complémentaires

Année

2014

Auteurs / Invités

Chemsi Chéref-Khan, Claude Wachtelaer, Jacques Lemaire

Thématiques

Laïcité, Monde associatif, Questions et options philosophiques, politiques, idéologiques ou religieuses