Description
Parlons un peu des religions
S’agit-il d’une croyance individuelle dégagée de toute influence sur autrui ou d’un système structuré avec un magistère qui détient le pouvoir de codifier et d’interpréter la croyance et les règles de vie de quiconque y adhère ?
Si je me suis choisi le système philosophique le plus simple, à savoir celui de moniste matérialiste, je conçois que d’autres ne soient pas de mon avis et que la paix de leur esprit devant l’inconnu, et surtout l’inconnaissable, les amènent à ne pas se contenter de ma philosophie et à imaginer qu’un principe vital, un principe spirituel se superpose à la matière inanimée pour former la matière vivante. Ils peuvent aussi y ajouter la singularité de l’homme qui se différencierait du monde animal par l’adjonction du principe immatériel qu’est l’âme. Et imaginer que tout l’univers a un créateur personnalisé.
Comme quiconque ayant perçu la relativité du sens de la vie, j’accepte assurément cette liberté de conscience, même si j’observe tout ébahi le comportement de personnes qui imaginent que leur dieu infiniment puissant soit capable de s’offusquer en les voyant manger l’un du porc, l’autre de la viande le vendredi précédant Pâques, que leur Dieu infiniment bon puisse être choqué en s’apercevant que, au cours d’une période de vingt-huit jours chaque année, ils ont osé soit avoir des relations sexuelles pendant la journée, soit boire et manger entre le lever et le coucher du soleil..
Je n’ai aucune objection à leur opposer s’ils confinent les conséquences de ces postulats à leur usage personnel, s’ils maintiennent leurs croyances dans le domaine privé et surtout s’ils n’en usent pas pour ligoter autrui dans des règles obsolètes dites morales.
Je ne suis pas un adversaire par principe des croyances religieuses, même si elles dépassent mon entendement. À une condition, mais elle est de taille ! Qu’elles acceptent de se calfeutrer dans le cercle privé et de ne pas en sortir ! Et que les religieux de quelque oripeau dont ils se revêtent, n’aient plus jamais la prétention d’envahir l’espace publique. Directement. Ou indirectement avec l’aide de ceux qui nous mitonnent les lois et règlements.
Mais les religions structurées ont-elles cette sagesse ? Vous savez que la réponse est négative.
Et je vous le demande, est-il raisonnable que des religions enseignent sans sourciller à leurs ouailles que le Dieu que l’on m’assure être infiniment parfait, soit capable de s’irriter que les filles des hommes puissent circuler les cheveux au vent, la cuisse découverte ou le sein nu…. Un Être suprême qui exigerait sous peine de sanctions terribles que l’on procède à des mutilations corporelles telles que l’excision des petites filles ou la circoncision des petits garçons ! Un Être que l’on m’assure être détaché de toute contingence matérielle, un pur esprit, qui obligerait à punir la femme adultère par la lapidation jusqu’à ce que mort s’ensuive !
Et pourquoi ces religions maintiennent-elles ces tabous hérités du temps où l’humanité était encore au stade néolithique ? Pourquoi, sinon pour asseoir un pouvoir temporel ? Simplement parce que toute interdiction génère toujours une domination. Celui qui interdit est toujours le maître de celui qui se soumet à l’interdiction. Et tel est le rôle de ces tabous dont on farcit la tête des enfants dès leur jeune âge, dont la plupart n’arrivent plus à se dépêtrer ultérieurement, et dont certains ou certaines, mêmes victimes, se font les plus ardents défenseurs.
À titre d’exemple, je prendrai celui du voile islamique. Certains ont dit qu’il n’était qu’un élément profane vestimentaire. Comment ne peuvent-ils pas comprendre qu’il est plus que la manifestation d’appartenance à une communauté régie par une religion, qu’il a un côté revendicatif hostile à nos valeurs.
Je le mets, disait une demoiselle, parce que Dieu me l’a demandé. Que pourra-t-on lui rétorquer lorsqu’elle en viendra à invoquer la même justification pour exiger la suppression de la mixité dans les piscines, la modification des programmes en matière artistique, la suppression de certains éléments des cours de biologie, l’exclusion de l’enseignement des théories sur l’évolution et l’émergence de la vie, l’enseignement de toutes les avancées scientifiques dans la compréhension du comment du monde.
À diverses occasions, j’ai affirmé que toutes les religions structurées sont des instruments d’oppression. J’ai été accusé de sectarisme. Pourtant, chaque fois qu’une religion a réussi à accaparer le pouvoir séculier, elle s’est montrée intolérante. Cela n’a rien d’étonnant. Avec les membres de toute hiérarchie religieuse, les faits ne se discutent pas. Ils détiennent la Vérité. Il n’y a que la leur. Le peuple n’a qu’à obéir. Pourquoi permettre la discussion ? Je pourrais le démontrer avec facilité avec les exemples multiples offerts par les régimes où l’islam est majoritaire.
On m’objecte que ce n’est plus le cas avec la religion catholique. On oublie trop vite que ce n’est que dans un message de Noël, en décembre 1944 alors que la victoire sur l’Allemagne nazie était plus que profilée à l’horizon, que le pape Pie XII sembla légitimer la démocratie dans un texte pontifical. Mais évidemment avec une réserve qu’ont reprise les papes qui l’ont suivi et aujourd’hui encore Jean Paul II.
Le magistère catholique continue à affirmer avec vigueur que si l’avenir appartient à la démocratie, celle-ci ne peut exister que si un rôle de premier plan dans son inspiration et sa mise en œuvre ne revient pas à la religion du Christ et surtout à l’Église. Tout qui a suivi les remous de la présentation de la nouvelle Commission de la Communauté européenne au Parlement européen, a vu combien cette volonté d’influencer les règles morales est toujours là.
Baudouin, le souverain belge, ne s’est-il pas, le 4 avril 1990, autorisé de faire étalage de ses états d’âme pour s’opposer à la promulgation d’une loi démocratiquement votée. Il ne faisait que mettre en application cette conception particulière de la démocratie.
Et sur ce point, la lutte est loin d’être terminée. Un exemple récent ? Celui de l’abbé Gabriel Ringlet, tellement prisé en laïcité, avec son livre L’Évangile d’un libre penseur. Dieu serait-il laïque ? Un livre à lire avec l’esprit critique en éveil pour s’interroger sur la signification de paroles telles que :
« Cantonner la foi religieuse à la seule « vie privée » est intenable… (p. 80) »
« Je revendique simplement d’être moi-même en public et je prétends qu’il y va de la solidité de la laïcité. Pour un chrétien d’engagement citoyen, il ne peut y avoir l’État en semaine et l’Église le dimanche. (p. 81) »
« Ce faisant l’État ne se tient pas au balcon. Il ne joue pas le simple réceptacle ou la courroie de transmission. Il ne lui appartient pas seulement de soutenir les différentes convictions et de leur permettre de se traduire en actes, mais de s’en inspirer et de les faire dialoguer, les unes par rapport aux autres, et de proposer un sens qui, à la fois, les rejoigne et les dépasse. »
Mais comment pourrait-on vivre dans un espace politique si chaque religion, si chaque communauté religieuse pouvait investir à sa guise le domaine public. On aboutirait à la dictature de la doctrine majoritaire. Avec tous les conflits que cela générerait !
Il est toujours frustrant de devoir arriver aux conclusions alors qu’il y a encore tant de points à développer. J’aurais aimé vous parler de la définition de la personne humaine, définition sans laquelle une discussion sérieuse sur les questions de contraception, d’avortement, d’euthanasie et de clonage de l’être humain ne peut pas être faite sérieusement. J’aurais voulu évoquer aussi l’incongruité de la présence de signes religieux autres que musulmans dans les établissements publics. Et bien d’autres choses. Mais le temps manque et je risquerais de lasser. Et c’est peut-être déjà le cas !
J’espère avoir montré que l’application des principes éthiques est fonction des règles qui régissent la société dans laquelle on vit. Et cette société, que de conditionnements ne nous impose-t-elle pas à partir de l’enfance ? Et quels ne sont pas les efforts à fournir pour s’en dégager ?
Que de luttes ont été nécessaires par exemple pour arriver à la libéralisation de la publicité pour les moyens contraceptifs, pour la dépénalisation partielle de l’avortement, et dernièrement pour l’acceptation de l’euthanasie et du suicide assisté ? Que de réticences ont dû être vaincues pour que l’homosexualité tant féminine que masculine ne soit plus considérée comme une déviance de la nature humaine à proscrire ?
Que d’aberrations et d’hypocrisies existent encore dans notre pays régi par des reliquats du code Napoléon influencé par l’idéologie catholique ? Un exemple flagrant, celui de la fidélité conjugale ! Un couple se sépare. Au bout de cinq années, le divorce ne peut plus être refusé. Mais pendant cette période, le devoir de fidélité subsiste. L’adultère, s’il n’est plus un délit, reste une injure grave qui peut avoir une influence sur la suite de la séparation. L’abstinence sexuelle reste imposée. À qui fera-t-on croire que des hommes et des femmes saines peuvent réfréner leur nature pendant une aussi longue période ?
Comment éviter ces conditionnements sinon en mettant en action l’attachement à l’interrogation que tout laïque devrait chérir ? En tout domaine, il faut éviter de se réfugier dans le fantasme pour tenter d’expliquer ce que nous ne connaissons pas. Il faut oser pratiquer le doute en posant les questions naïves qui attirent peut-être les haussements d’épaules de spécialistes trop spécialisés pour encore arriver à remettre en cause leurs propres convictions. Il faut avoir confiance en la raison de l’homme sans sombrer dans le scientisme. Il faut cultiver la défiance à l’encontre de tout pouvoir sacerdotal, qu’il se drape dans les plis de la religiosité ou de la modernité.
Mais, a-t-on dit, ce rationalisme ne prive-t-il pas l’homme d’une fraction de sa richesse spirituelle ? N’est-ce pas dénier toute place au rêve, à l’émotion, à l’approche symbolique du pourquoi du monde ?
Non, car le comportement de tout homme, aussi raisonnable soit-il, est dirigé par un mélange complexe de logique et de sentiment. Et qu’est-ce que la raison, sinon une méthode honnête d’approche intellectuelle de toute situation ou action, sinon le rempart contre l’exploitation abusive du patrimoine émotif que possède tout être humain ?
Je vous propose de lire un texte attribué à Bouddha qui, après avoir énoncé toute une litanie de
Ne croyez pas, se terminait par :
Ce que vous aurez vous-mêmes éprouvé, expérimenté et reconnu pour vrai, qui sera conforme à votre bien et à celui des autres, cela, croyez-le et conformez-y votre conduite.
À quiconque suivrait une telle voie, je préciserais que le but est de refaire des convictions par soi-même sans se laisser gangrener par tout un fatras que l’on peut lire dans certaines littératures ! Le message que je lui délivrerais serait :
Brille toi-même par ta propre lumière !
Et préciserais-je,
Si ta lumière est différente de la mienne, qu’importe si elle est réellement tienne.
Informations complémentaires
Année | 2008 |
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Thématiques | Laïcité, Libre examen, Questions et options philosophiques, politiques, idéologiques ou religieuses, Questions idéologiques, Religions |