La grève, de parts et d’autres
Description
L’imaginaire de gauche
L’imaginaire politique est plutôt passé à droite : c’est un sujet dont on ne parle pas beaucoup dans les médias ou dans les classes politiques. Pour redévelopper un imaginaire politique de gauche, ne faudrait-il pas que les syndicats reprennent en main des problèmes de gauche en proposant des améliorations concrètes qui toucheraient tous les travailleurs comme, par exemple, la réduction du temps de travail ? Pour pouvoir développer un imaginaire de gauche, ne faut-il pas développer des grands combats concrets dans lesquels les syndicats ont un rôle à jouer ?
Sur la réduction collective du temps de travail, la CGSLB a déposé une proposition qui n’a pas reçu un accueil enthousiaste de la part de la FEB. À la CGSLB, on pense que la réduction collective du temps de travail s’impose, d’autant plus aujourd’hui, face à la révolution numérique.
À cet égard, le gouvernement régional bruxellois a entamé une réflexion extrêmement intéressante. Le gouvernement régional bruxellois était parti de l’idée, que pour résoudre la problématique du chômage massif dans cette région et en particulier du chômage des jeunes, qu’il y avait lieu de boosté la formation professionnelle. Le discours est, aujourd’hui, un peu différent : le gouvernement régional se rend compte qu’on aura beau booster la formation professionnelle de belle manière, cela ne résoudra pas le problème du chômage.
Le gouvernement régional bruxellois a chargé un économiste français de faire une étude concrète sur un OIP particulier qui s’appelle Bruxelles-Propreté, pour vérifier la possibilité de mettre en œuvre une réduction collective du temps de travail avec toute une série de caractéristiques intéressantes.
D’abord le fait que ce serait un système avec embauche compensatoire, le fait que les revenus du travailleur seront maintenus et le fait, aussi, que ce que l’on appelle la rentabilité de l’entreprise – la compétitivité – ne sera pas touchée. Ce serait un dispositif, aux yeux du gouvernement régional, « iso-compétitif », parce qu’il y aura un certain nombre d’aides publiques qui seront apportées si l’entreprise accepte de mettre en œuvre une réduction collective du temps de travail. Cette possibilité en est au stade des études : il est beaucoup trop tôt pour dire que c’est une excellente initiative. Mais le fait que la réflexion soit en cours est intéressant.
Cette réduction collective du temps de travail sera remise sur le devant de la scène, parce que c’est quelque chose d’essentiel qui semble essentiel aux syndicats.
Les astreintes durant les grèves
L’affaire de Jordan Croeisaerdt, ce cheminot délégué de la CGSP qui a reçu une astreinte de mille sept cents euros pour avoir bloqué une des quatre entrées d’Infrabel, alors que les trois étaient restées ouvertes. Son identité n’a pas été prise sur le piquet de grève et il a reçu une astreinte.
La CGSLB rappelle qu’au cours des derniers mois, il y a eu un certain nombre de grève à la SNCB et qu’il faut bien se rendre compte, qu’au-delà même des désagréments qui sont évidents quand on est un utilisateur du chemin de fer, d’une entreprise est menée actuellement par une ministre du gouvernement fédéral qui est de faire de la SNCB un laboratoire de la régression sociale. Le fait qu’il y ait des contremesures fortes de la part des organisations syndicales est une nécessité d’intérêts généraux et d’intérêts publiques.
Pour le PTB, derrière cette affaire, il y a une individualisation de la répression de beaucoup de militants syndicaux. On entre dans une période de « soldes ». Lorsque quelqu’un est élu sur une liste syndicale, qu’il soit CPPT ou Conseil d’entreprise, il bénéficie d’une protection pendant quatre ans et cette protection diminue au fur et à mesure que l’on approche de nouvelles élections sociales.
C’est la période où les employeurs se disent que c’est le moment ou jamais de se débarrasser des délégués élus encombrants, car l’indemnité de rupture sera moindre qu’en début de mandat syndical. C’est pourquoi on a de plus en plus de criminalisation individuelle de personnes qui osent « se mouiller », de personnes qui osent s’engager syndicalement. On oublie facilement que ces gens qui « se mouillent » donnent de leur personne.
On oublie souvent de mentionner que, pendant une grève, un travailleur va perdre en moyenne entre quarante et cinquante euros net par jour. Personne ne fait grève par plaisir. Il ne suffit pas de penser que parce que les travailleurs font grève, ils ne font rien. Les personnes qui font grève perdent de l’argent. La solidarité des cotisations qui sont mises ensemble dans la caisse de grève permet d’atténuer ce que ça leur coûte. Mais lorsqu’il y a eu quelques grèves interprofessionnelles, tous les travailleurs ont senti en fin de mois qu’ils avaient perdu entre cent vingt et cent cinquante euros pour exprimer leur sens collectif, leur solidarité. On voit que la question de l’argent est déjà présente.
L’astreinte de mille sept cents euros a pour but de faire que ces personnes osent moins mener d’actions sociales.
Il n’y a aucun terroriste parmi eux. il faut cesser de dire ce genre de choses, il n’y a pas de « racailles » dans ces mouvements sociaux, mais il y a parfois des infiltrations lors de grandes manifestations. Dans tous les combats qui sont menés, il y a des gens qui, tous les jours, donnent de leur personne pour défendre des travailleurs. ils ne comptent pas leurs heures, ils ne sont pas payés pour l’aide qu’ils apportent. Il faut savoir que lorsqu’ils assistent à des Conseils d’entreprises, qui peuvent durer parfois jusque vingt-trois heures, les représentants patronaux, eux, peuvent le défalquer de leurs heures, mais les syndicalistes le font bénévolement en plus de leur travail. Et le fait de pointer du doigt cet altruisme qui existe chez tant de forces vives, aujourd’hui, c’est très grave. Cette criminalisation individuelle existe, à présent, également en Espagne et en France.
Il faut protéger toutes ces personnes qui donnent de leur temps bénévolement pour défendre les travailleurs.
Catherine Moureaux, du PS, explique qu’une procédure judiciaire individuelle pour un piquet de grève, où le gouvernement lui-même, en tout cas un parastatal, va poursuivre un délégué syndical, alors même que sous les hospices de l’État, dans le gentlemen’s agreement, il y a :
« l’engagement pour les organisations d’employeurs d’adresser une recommandation solennelle afin d’éviter la mise en œuvre de procédures judiciaires pour des aspects liés à un conflit collectif ».
Cela démontre une dérive de ce gouvernement, qui est une dérive vers la criminalisation des mouvements sociaux et c’est regrettable.
La FEB suppose que cette astreinte a été prononcée par un tribunal et qu’il doit y avoir une motivation juridique à ce fait. De plus, elle estime que le travailleur peut aller en recours contre cette décision et que ce travailleur n’est pas condamné de manière définitive et n’est pas sans solution par rapport à cette condamnation. La FEB remarque que puisqu’il s’agit d’une personne syndiquée, son syndicat la défendra et exercera les recours judiciaires existants et s’interroge sur la réalité du problème et sur l’État de droit.
Dans ce cas-ci, il s’agit sans doute la SNCB ou d’Infrabel qui ont demandé l’astreinte devant un tribunal et ni l’un ni l’autre ne sont membres de la FEB.
La FEB pense qu’il faudrait lui reprocher des faits qui lui soient imputables.
La question de la requête unilatérale est un moyen tout à fait normal et admis dans notre code judiciaire. et en tant que partenaires sociaux, la FEB n’a pas envie d’y recourir à la légère. Mais lorsqu’un certain nombre de chefs d’entreprises ne trouvent pas d’autres moyens pour faire libérer, par exemple, un zoning afin de pouvoir passer et de pouvoir faire travailler leurs entreprises au risque d’avoir de graves problèmes financiers, il leur faut trouver une solution.
Pour la FGTB, ces situations d’astreintes ne sont pas acceptables.
Fin 2014, il y a eu des journées de grève tournante. il y avait une entreprise, Décathlon, qui était fermée et il y avait des délégués syndicaux devant l’entreprise pour veiller à ce que l’entreprise soit fermée et essayer de dissuader les autres travailleurs de venir travailler. Se présente un huissier de justice qui leur dit de libérer l’espace ou qu’il leur mettra une astreinte de mille euros. La pression qui est exercée sur le travailleur est forte et il est rare qu’en un tel moment, le travailleur accepte l’astreinte. L’astreinte dans cette situation a un certain effet.
Ceci pour expliquer que lorsqu’un employeur recourt au tribunal pour demander une requête unilatérale, il a identifié les organisations syndicales, il les connaît, il sait qui est l’interlocuteur, il sait qui est l’autre partenaire social qu’il peut appeler à la cause.
Le fait d’utiliser la requête unilatérale, c’est faire croire qu’il existe un danger immense et que le juge doit anticiper sur ce risque de violence ou ce danger immense. Il serait tout à fait possible de ne pas fonctionner par requête unilatérale et d’avoir aussi la possibilité d’entendre les organisations syndicales dans cette situation pour voir s’il y a réellement un danger, sans que cela ait à voir avec la personnalité morale. Parce que lorsqu’on se situe dans une situation où il y a un conflit d’entreprise, il n’y a jamais aucun problème pour identifier l’interlocuteur. et lorsqu’il y a une difficulté, on trouve toujours l’interlocuteur. Il y a un certains nombre d’employeurs, sans viser la FEB, qui ont une volonté de faire en sorte que la requête unilatérale puisse fonctionner et non pas d’essayer de trouver une solution.
Au Mr, on n’oublie pas qu’après la grève, après le ou les jours de grève, il y a « le jour d’après ».
« Le jour d’après » c’est le jour où on doit renouer le dialogue, on doit rétablir les ponts. et ce n’est jamais une bonne solution que d’arriver à des actes telles que des astreintes, car cela clive plutôt les rapports plutôt que de renouer le dialogue.
Il existe des exemples contraires… Quand la fameuse Raymonde commence à saccager et à jeter des vêtements sur sol, c’est un acte qui semble davantage nuire à l’image de la FGTB qu’en sa faveur. Cet exemple pour montrer qu’il y a des débordements qui, parfois, ne sont pas acceptables.
En arriver à une situation d’astreinte, pour autant qu’il n’y ait pas eu de destruction, n’est pas souhaitable, parce que cela déteint sur le renouement qui doit reprendre « le jour d’après ».
La défense des travailleurs syndiqués
Un travailleur, aux revenus modestes, peut-il intenter un procès à son employeur ?
Si un travailleur, affilié dans une organisation syndicale, a un litige avec son employeur, les organisations syndicales collectivisent, solidarisent, le risque et prennent en charge l’ensemble des frais de défense de cet affilié. Cette situation est propre au service juridique belge et applicable à toutes les organisations syndicales.
La communication
Pour les uns la grève est quelque chose qui se doit d’être fait, et pour les autres c’est quelque chose qui se doit d’être encadrée. mais est-ce que ça ne témoigne pas simplement d’une nécessité des syndicats et des personnes qui y sont affiliées de revoir leurs manières de faire passer leur désaccord ?
On parle rarement en direct du droit de grève, mais plutôt des modalités d’exercice du droit de grève. Elles sont fondamentales parce qu’elles ont une conséquence sur l’existence-même du droit de grève. Si on vide de son essence les éléments possibles de droit de grève, on se retrouverait dans une situation où l’on aurait un droit théorique et donc on n’aurait plus cette possibilité de contrebalancer. La nécessité d’améliorer la communication et de sortir de cette logique de perception de ce qu’une organisation syndicale est uniquement une organisation qui fait la grève est importante. On fait la grève dans un certain nombre de situations, mais la plupart du temps, on construit des choses, on trouve des solutions et c’est cela qui devrait être mis davantage en avant, également par les médias.
Les prérequis de la grève
Il n’y a pas de parallélisme entre une « grève sauvage » et un constat d’échec.
Pour qu’une grève soit menée, elle doit être précédée d’une concertation. S’il y a refus de la partie patronale d’une concertation, on peut alors aboutir à un dépôt de préavis de grève. Normalement, aucune grève n’est lancée sans qu’il y ait eu un préavis de grève. Si les conditions de la mise en œuvre d’une grève ne sont pas réunies, on parle, en général de « grève sauvage ».
La grève doit pouvoir se faire quand la concertation n’a pas abouti.
La grève doit pouvoir être lancée moyennant certaines modalités que l’ensemble des organisations syndicales acceptent et appliquent dans 99,9 pour cent des cas.
La réintégration du travailleur après un renvoi abusif
Il n’y a pas d’obligation, en Belgique, de réintégrer des travailleurs. Il est possible de demander la réintégration, mais il n’y a pas d’obligation de l’employeur de réintégrer, contrairement à ce qu’il se passe en France : la FEB pourra vous confirmer ces propos.
Les actions sociales dans les PME
Le droit ne permet pas de procéder à des élections sociales, ni d’installer une protection syndicale dans les PME. c’est d’ailleurs pour cela que ce sera l’un débats que le PTB aura au Parlement : pouvoir, dans ces PME, avoir une représentation, au sein des Conseils d’entreprise et au sein du CPPT. On arguera sans doute que cela nuira à la bonne entente qui règne au sein des PME, mais il vaut quand même mieux avoir un dialogue social constructif.
Cotisations versus charges
C’est à la demande d’une organisation syndicale qu’une délégation syndicale est instituée au sein d’une entreprise et donc si la délégation n’est pas instituée, ne serait-ce pas de la faute des organisations syndicales ?
Pour faire augmenter les salaires…. Il existe deux moyens : soit par la grève, soit par la concertation, mais il existe un moyen supplémentaire… Avec un législateur courageux qui prendrait ses responsabilités et diminuerait les charges sociales. Quelles sont les propositions possibles, hormis la diminution du temps de travail, pour être créatif et augmenter l’emploi tout en augmentant le pouvoir d’achat des travailleurs ?
Le PTB souhaiterait que l’on ne confonde pas charges sociales et cotisations sociales. Le poids des mots est important. C’est important lorsque l’on crée notre imaginaire collectif, parce que petit à petit on crée le poids des mots qui sont ceux du camp adverse qui veut le criminaliser.
On parle de prise d’otage, alors qu’en fait les personnes se retrouvent sur un quai de gare. c’est quand même une sacrée différence. Sérieusement, on ne se rend même plus compte à quel point l’imaginaire collectif est celui qui criminalise.
Les « cotisations » sociales sont une partie de « notre » salaire que le patron met immédiatement dans la caisse à notre place. Historiquement, nous avons une partie de notre salaire que nous mettons « ensemble » dans la caisse de la sécurité sociale. Le patron met une partie de son salaire et une partie du salaire des travailleurs dans la caisse de la sécurité sociale.
Aujourd’hui, le gouvernement a décidé de diminuer toutes ces cotisations, donc la caisse de la sécurité sociale va diminuer et il va falloir faire des coupes. Et comment être compétitifs si on ne peut baisser les cotisations sociales ? Là se situe tout le débat idéologique.
Si en Belgique, on diminue les cotisations sociales, qu’en Allemagne on fait de même, qu’en France ils sont déjà en train de faire de même, qu’en Hollande on fait de même, où s’arrêtera-t-on dans cette spirale ? On va diminuer les salaires en Belgique ? Et puis à qui le tour ? Si on diminue constamment les salaires, la conséquence sera que le pouvoir d’achat diminuera. Les entreprises vendront de moins en moins, et elles diminueront encore les salaires. C’est exactement ce qui est en train de se produire, aujourd’hui, au niveau de la zone européenne la demande interne diminue. On a cassé le pouvoir d’achat des travailleurs et plus personne n’est là pour acheter.
Le seul pays qui était parvenu à s’en sortir, était l’Allemagne, car l’Allemagne avait décidé de mettre tout son potentiel sur l’exportation. Seulement pour pouvoir exporter, il faut des pays qui importent, à l’époque c’était les pays du Sud. Les pays du Sud – la Grèce, le Portugal, l’Espagne – sont en banqueroute à présent.
C’est le cœur du débat de la crise économique européenne.
Pour le PTB, les salaires ne sont pas le problème, mais sont la solution. Si à travers des salaires plus élevés, on pouvait relancer la demande au niveau du marché, on pourrait sortir de cette spirale de la crise économique. Mais pour y parvenir, il faudrait sortir du carcan et au niveau de l’imaginaire collectif, il faudrait sortir des sentiers battus.
On a trop accepté ce cadre du réalisme qui nous est imposé. Il y a cent ans, si on avait accepté ce cadre du réalisme, on serait encore en train de travailler treize heures par jour. C’est de cette impertinence, de cette envie de sortir du cadre que l’on pourra être inspiré pour aller chercher nos victoires de demain.
La FEB et le PTB ne seront jamais d’accord sur le fonctionnement économique de notre société. C’est un constat qui doit être fait parce que la France, qui a réduit son temps de travail, n’a pas retrouvé une santé économique plus grande et n’a pas démontré que ce système fonctionnait bien.
La FEB discute avec des travailleurs français et constate que ces travailleurs sont inquiets de savoir quand ils vont pouvoir prendre leurs congés et s’interrogent sur la manière de faire le travail qui était fait en trente-huit heures sur trente-cinq heures.
Pour la FEB, la réduction du temps de travail ne redonnera pas de compétitivité aux entreprises européennes.
À la FEB, on estime que la question du modèle allemand d’exportation est très intéressante.
Pour pouvoir exporter, il faut avoir des clients, mais il faut aussi avoir des produits. L’Allemagne a au moins cette intelligence qu’elle a investi dans des produits et des concepts des ingénieurs, des usines, des gens compétents –, pas toujours de manière très heureuse, comme nous le rappelle l’affaire Volkswagen. Il n’empêche qu’il y a un véritable effort et une tentative d’avoir un modèle économique qui tient la route. En Belgique, quels sont nos ambitions économiques ? Quel est le projet que l’on propose, au niveau belge, pour avoir des entreprises efficaces, d’avoir des personnes bien formées ? On essaye toujours de compliquer les choses et on ajoute sans cesse des petits règlements. Ce n’est pas avec cela que l’on crée de la richesse et ce n’est pas avec cela que l’on crée de l’emploi. Il faut d’abord créer les conditions de l’activité économique pour pouvoir ensuite en redistribuer les bénéfices, et pas l’inverse.
La régression du droit social
D’après la FEB et le MR , il n’y a pas de plan pour la régression du droit de grève. Or, on voit que, partout en Europe, il y a du recul en termes de protection des travailleurs. On sait qu’en Grande-Bretagne, il y a eu tel recul que le nombre de travailleurs protégés par les conventions collectives de travail est passé de septante pour cent à trente pour cent. On a vu qu’en Espagne il y a des lois qui criminalisent, aujourd’hui, l’action syndicale, etc.
Pour la FEB, le monde patronal n’ourdit pas de sorte de complot à l’égard du monde des travailleurs salariés et ils n’ont pas, lors de leurs caucus particuliers, l’envie de casser la capacité du mouvement syndical à se mobiliser.
Lorsque la FEB discute avec des chefs d’entreprise qui ont trois ou quatre employés ou simplement avec des techniciens, elle comprend que ces chefs d’entreprise voudraient bien pouvoir engager du personnel, mais qu’ils ne le peuvent parce que cela coûte trop cher. La FEB discute avec des chefs d’entreprise qui aimeraient augmenter leur personnel, mais, qui en raison du manque de flexibilité du système, n’osent pas prendre ce risque, parce qu’ils savent que s’ils ont un problème de diminution du chiffre d’affaires, ils n’auront pas la capacité de continuer l’emploi et ils n’auront pas non plus la capacité de mettre fin à l’emploi. C’est une réalité qui est peu connue. Il y a des réalités distinctes et il faut pouvoir s’écouter.
À la CGSLB, on pense qu’il n’est pas nécessaire d’être un complotiste pour se rendre compte que, partout en Europe, il y a des mouvements puissants de régression sociale et que la question du droit de grève doit s’entendre dans ce mouvement. Ils pensent également que si on met en place un droit de grève qui n’est plus plein et entier, mais qui est aseptisé, le résultat sera un appauvrissement du monde du travail. Ce qui est en train de se mettre en place, presque partout en Europe, se sont bien des logiques de régression sociale : c’est un constat et ce n’est probablement pas un fantasme complotiste.
À la FGTB, on ressent aussi, sans avoir de crainte générale d’un côté ou de l’autre, une volonté d’agir pour affaiblir les organisations syndicales. Un certain nombre d’acteurs, parmi tous les acteurs politiques, ne supportent pas qu’il puisse exister, à côté de la démocratie politique, une démocratie sociale qui existe dans les entreprises. Donc, ces acteurs profitent du moment dans lequel les organisations syndicales ne sont pas très populaires, peut-être par rapport à un certain nombre d’actions qui ont été menées ou considérées comme devant être menées. Ils en profite pour essayer de détruire cette démocratie sociale
Les partenaires sociaux sont allés présenter un certain nombre d’accords au gouvernement pour qu’il les mette en œuvre et le gouvernement a refusé certains points, parce que c’était contraire à son programme.
Le message qui est passé est celui-ci : les partenaires sociaux n’ont pas l’autonomie de faire quelque chose qui va à l’encontre du programme du gouvernement. Cela démontre la volonté politique d’affaiblir les organisations syndicales.
Le droit au travail, un leurre ?
À quoi peut faire écho le droit « au » travail ? N’est-ce pas un vocabulaire de « patrons » ou de personnes qui n’ont pas énormément travaillé ? Aller à son travail tous les jours, afin de pouvoir payer ses factures par exemple, n’est pas quelque chose que l’on a envie de faire. On a le droit de se loger, le droit d’étudier, le droit de se nourrir,…
La relation salariale est plutôt vécue comme une relation d’exploitation par les travailleurs. Il est assez facile de tourner la question de la grève comme étant une question de gentleman et de cacher le fait que la conflictualité sociale est avant tout une conflictualité, donc pas une question de gentleman, mais bien une question de conflit dans lequel des personnes s’opposent. Lorsque l’on se fait renvoyer de son travail, on ne se fait pas renvoyer par des gentlemans, on se fait renvoyer. Lorsque l’on fait une grève, ou lorsque l’on séquestre son patron, ce n’est pas non plus une question de gentleman. Cette volonté de pacifier la conflictualité sociale, est-ce une stratégie consciente ?
Au Mr, on rappelle que le gentlemen’s agreement a été mis en œuvre sous un gouvernement qui rassemblait les socialistes et les libéraux en 2002 et qu’il n’y a pas de raison de jeter cet accord dans les limbes.
La FEB évoque qu’il n’existe pas que le travail salarié, qu’il existe également le travail indépendant, et que le fait qu’il existe un travail indépendant montre bien que le travail en lui-même peut être quelque chose que l’on recherche et que l’on apprécie de faire.
Le cas des étudiants
Lors des grèves qui ont eu lieu durant les périodes d’examens, beaucoup d’étudiants ont suivi le courant médiatique derrière le gouvernement et ont minimisé le droit de grève. Quels sont les moyens qui seront mis en œuvre pour résoudre le problème de communication entre les étudiants et les organisations syndicales ?
Pour la CGLSB, il est évident que les syndicats ne feront pas de syndicalisme intelligent en se mettant à dos les gens.
Il y a eu un début de réponse, ce n’est pas énorme, mais c’est un début : des cheminots ont proposé de prendre des étudiants dans leur voiture pour les conduire sur le lieu de leur examen.
Malheureusement, cela posait un tas de problèmes pratiques, parce qu’on ne peut pas imaginer ce que la presse aurait dit s’il y avait eu un accident avec un étudiant qui aurait été blessé dans la voiture d’un cheminot, etc. Mais en tout cas, cette situation doit recevoir un suivi. Une réponse ne peut être pas donnée dans l’immédiat, mais ces situations sont traitées au sein des organisations syndicales.
Il faut minimiser les désagréments pour les gens et dans le même temps, il existe une jurisprudence de 2009 de la Cour du travail de Bruxelles qui disait que « dans l’intérêt d’une action de grève, il y a la volonté de mettre à mal, pour un moment, la rentabilité économique d’une entreprise et cela ne se fait pas sans désagrément et sans empiéter, par exemple, sur le droit de circuler, par exemple, sur le droit au travail des autres travailleurs, par exemple, sur le droit des étudiants de se rendre à un examen… ». Mais dans la balance, il faut accepter, que dans une société démocratique digne de ce nom le droit de grève est un droit absolument fondamental, probablement pas un droit sans limite, mais en tout cas un droit extrêmement important. C’est sous les dictatures que le droit de grève est réduit à néant.
L’important, c’est d’expliquer la situation et de sortir de cette opposition entre droit de grève et organisations syndicales : de sortir de la caricature et d’entrer dans la nuance.
Informations complémentaires
Année | 2016 |
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Thématiques | Concertation sociale, Droits sociaux, Questions et options philosophiques, politiques, idéologiques ou religieuses, Société contemporaine, Travail / Emploi / Chômage |