La cérémonie à Berlin

Paul-François Ryziger

 

UGS : 2016005 Catégorie : Étiquette :

Description

Nous sommes le 8 mai 1945, je suis à Lindau au bord du lac de Constance, je suis responsable d’un véhicule semi-chenillé (half-track).

 Depuis peu de temps, le maréchal des logis chef, qui était responsable du véhicule et avait sous ses ordres l’équipe qui assistait le capitaine observateur en chef du groupe d’artillerie auquel nous appartenons, m’a demandé d’animer l’équipe (bien que je ne sois, comme les autres membres de l’équipe, que deuxième canonnier, c’est-à-dire deuxième classe), car il pensait qu’en pleine période de mouvement, on ne lui donnerait pas immédiatement quelqu’un pour remplacer le blessés. Nous sommes à Lindau en mission auprès de l’escadrille de petits avions d’observation, la radio de son véhicule terrestre est tombée en panne et nous sommes là pour servir de liaison avec la batterie état-major (le PC) du Groupe 2/62/R.A.A.

Il est vingt heures, tout est calme. Un peu après minuit tout s’anime, des shrapnels éclatent au ciel et l’éclairent ; des obus tombent dans le lac, créant des gerbes d’eau ; des mitrailleuses se font entendre.

Le capitaine commandant l’escadrille me dit, plaisantant à moitié : « Les Allemands ne recommencent tout de même pas ! Pouvez-vous appeler le Pc pour savoir s’ils ont une information ? » Le PC interrogé me répond immédiatement : « Les Allemands viennent de signer une capitulation sans condition. Le guerre est finie ».

Le lendemain matin, notre mission est terminée, nous devons retourner au PC qui est à Bregenz en Autriche, Lindau est en Allemagne, il nous faut donc traverser une frontière. À la frontière un grand panneau est affiché : « Ici, l’Autriche, pays ami ». Nous avons immédiatement eu droit à des gens qui nous faisaient la gueule. L’Autriche est peut-être un pays ami, mais c’est un pays qui a comporté beaucoup de nazis, ce sont des nazis qui ont assassiné successivement le chancelier Dollfuss et le chancelier Schusnigg. Le Parti est devenu assez puissant, il a considérablement aidé à la survenance de l’Anschluss.

Peu de temps après notre arrivée, le Pc du groupe déménage et nous nous retrouvons dans une bourgade du Wurtemberg, où l’état-major restera un certain temps.

Que s’est-il passé à Berlin où a eu lieu la signature de l’acte de capitulation ?

Le général Jean de Lattre de Tassigny a été envoyé pour représenter la France à la signature. La France a été reconnue comme quatrième Grand allié à la conférence de Yalta (où la France n’était pas représentée). Cette reconnaissance lui vaudra une zone d’occupation en Allemagne. Le général de Tassigny en entrant dans le local où doit être signée la capitulation, constate qu’il y a un drapeau de chacun des trois autres alliés, mais pas de drapeau français, il proteste. Le maréchal Joukov qui préside, et au PC duquel va avoir lieu la cérémonie, cède immédiatement, mais il n’y a pas, à l’état-major, de drapeau français. Des jeunes femmes russes fabriquent un drapeau de fortune, elles se trompent, en réalité, sur l’ordre des trois couleurs : elles confondent le drapeau français avec le drapeau néerlandais et les couleurs sont affichées de haut en bas. Le général de Lattre de Tassigny accepte cette erreur.

Une deuxième difficulté naît quand on montre au général, qui l’a demandé, le projet de l’acte de capitulation. Il n’a pas été prévu de signature de la France. Après une longue discussion, il est finalement convenu que les représentants de l’URSS et des États-Unis signeront et que les représentants de la Grande-Bretagne et le représentant de la France signeront comme témoins.

Tout ceci étant réglé, on fait entrer la délégation allemande. La composition de celle-ci a été déterminée par l’amiral Dönitz qui a été désigné comme chef d’État par Hitler, avant qu’il ne se suicide dans la chancellerie de Berlin avec Eva Braun qu’il vient d’épouser et qui s’est suicidée avec lui.

Hitler n’a pas voulu désigner pour lui succéder Goering qu’il considère comme un traître, car il a entamé des négociations clandestines avec les alliés. Himmler en a fait autant et Hitler, qui l’a appris, a ordonné son arrestation, mais dans le désordre qui régnait alors, elle ne pourra pas être exécutée.

L’amiral Dönitz a désigné, pour présider la délégation allemande, le maréchal Keitel et trois militaires dont un amiral de moindre niveau.

L’amiral Dönitz et le maréchal Keitel seront tous les deux au nombre des accusés du procès de Nuremberg. L’amiral Dönitz et l’amiral Raeder sauveront leurs têtes, car leur avocat commun aura l’idée d’exiger l’audition, comme témoin, de l’amiral américain Nimitz qui reconnaîtra que la conduite des sous-marins américains dans le Pacifique n’a pas toujours été exemplaire. Le maréchal Keitel sera condamné à mort par le Tribunal militaire international.

L’acte de capitulation de l’Allemagne sans condition ayant été signé, le maréchal Keitel se retire et, en partant, il passe à côté du général de Lattre de Tassigny et il grommelle : « Eben die Französen » (même les Français).

Comment les troupes alliées sont-elles arrivées à la signature de la capitulation de l’Allemagne à Berlin ?

Le général Eisenhower, commandant les forces américaines (auxquelles est rattachée la première armée française), a reçu des consignes du SHAPE, qui émane en réalité du président Roosevelt dont le conseiller militaire est le général Marshall.

Les consignes reçues par le général Eisenhower sont de poursuivre son offensive en ligne directe pour arriver sur une ligne Leipzig-Dresde. Le général Eisenhower a sans doute eu le regret de ne pouvoir se diriger vers Berlin, mais il été retenu par les ordres reçus du SHAPE. Des émissaires américains ont été à Moscou où ils ont tenu au courant Staline des intentions américaines. Ils lui ont remis sur ce point une lettre du président Roosevelt. Mais Staline ne croit pas aux intentions américaines, il est persuadé que les troupes américaines vont tourner leur front pour se jeter sur Berlin. Staline est surtout préoccupé par le fait que les Américains ont réussi à conquérir intact un pont sur le Rhin par lequel l’armée américaine va entrer en Allemagne.

Staline a décidé d’utiliser, à l’offensive en Allemagne, une partie de troupes qui étaient employées à une offensive en Europe centrale ; elles continueront leur chemin vers Berlin.

Les troupes soviétiques étaient momentanément arrêtées à Könisberg, cette forteresse ancienne qui semblait le point central de la résistance allemande. Staline chargea deux armées, l’une commandée par le maréchal Malinovski, l’autre par le maréchal Joukov, de vaincre cette résistance. Une fois cette résistance vaincue, une troisième armée leur fût jointe, et c’est par cette force considérable que la résistance allemande fut balayée par les forces soviétiques.

Les forces américaines, pendant ce temps, avaient poursuivi leur offensive. Des pourparlers, des redditions avaient été entamées, notamment, par les deuxième et neuvième armées allemandes.

L’armée française avait également reçu des émissaires émanant de la vingt-quatrième armée allemande (dont jusque-là on ignorait l’existence en tant qu’armée autonome). Alors qu’un rendez-vous avait été fixé aux émissaires de cette armée pour achever les pourparlers, ceux-ci ne se présentèrent pas.

Par la suite, de Lattre devait apprendre que l’état-major allemand, auquel il était désagréable de négocier avec les représentants d’un État qui avait été vaincu en 1940, avait fusionné les états-majors de ses neuvième et vingt quatrième armées avec lesquelles les pourparlers furent poursuivis avec les Américains.

Finalement, une capitulation fut conclue par les armées allemandes en face des Américains sur le front occidental. Cette capitulation fut signée à Reims le 7 mai 1945. Un représentant soviétique était présent auprès du commandement américain, mais il était sans instructions de la part de Staline. Ce représentant soviétique par précaution avait signé tout en mettant en bas à côté de sa signature une phrase : « Il est entendu que des pourparlers ultérieurs pourront être menés par l’Union soviétique ».

Il n’avait pas reçu d’instructions, elles lui arrivèrent une fois l’acte signé, ces instructions lui enjoignaient de ne signer aucun acte.

Un général français (le général Sevez) était présent lors de cette signature.

Staline furieux exigea une nouvelle signature à Berlin. Celle-ci fut signée au pc du maréchal Joukov le 8 mai 1945, (le 9 mai 1845 pour les Russes en raison du décalage des calendriers).

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Informations complémentaires

Année

2016

Auteurs / Invités

Paul-François Ryziger

Thématiques

Guerres mondiales, Nazisme, Questions et options philosophiques, politiques, idéologiques ou religieuses