Description
« L’ensemble de l’évolution de la femme fait penser à ces roues de Fortune où on voit un personnage qui monte, qui triomphe quelque temps, puis qui amorce la descente pour retomber au plus bas » écrit Laurence Pernoud dans Vers une harmonie équitable entre le masculin et le féminin ou l’aventure de Lucy, de ses fils et de ses filles depuis bien plus de 2.500 ans !
Notre amie Lucy était à peine une femme et vu son très grand âge, on en parle !
Or, on parle peu des femmes de la préhistoire. L’imagerie nous montre que les hommes chassaient, découvraient le feu, taillaient des outils, décoraient superbement des cavernes… mais est-on bien sûr que des femmes n’ont pas, elles aussi, mis la main à la pâte ?
N’ont-elles pas, elles aussi chassé comme Diane plus tard, découvert le feu, taillé des os et des silex ? Et, qui sait, peint dans les grottes ?
La seule certitude que nous puissions avoir – c’est une évidence comme aujourd’hui, elles mettaient les enfants au monde !
Et quand on voit les gestes tendres des mammifères pour leurs petits, on imagine aisément que les petits hominidés, les petits humains préhistoriques étaient pris en compte, sinon dorlotés de même façon. Ils étaient sans doute aussi protégés par les hommes pendant les périodes de pérégrinations, mais aussi quand la vie était plus sédentaire. On peut supposer en effet que les hommes étaient prêts notamment à repousser les prédateurs.
Si les hommes, il y a 30, 40.000 ans… impossible d’être précis(e) étaient sûrement conscients de la merveille que constitue la naissance, et, à tout le moins étonnés… il est tout aussi sûr qu’« ils » ne l’associaient pas, ni « elles » non plus d’ailleurs, à ces brefs, bien qu’agréables moments qu’ils passaient fréquemment ensemble, simple réponse à une pulsion réciproque qui prenait parfois aussi une tournure homosexuelle propre à brouiller les pistes.
De toute façon, neuf mois pour obtenir un résultat ce devait être long dans une mémoire préhistorique !
Ils comprendraient certes un jour, mais nous en sommes encore loin !
Petit à petit, nous arrivons à une époque où la femme va être investie d’un pouvoir exclusif et miraculeux : c’est d’elle seule que sortent ces petits êtres en réduction qui deviendront des hommes… et des femmes, à leur tour porteuses de ce don extraordinaire.
Il a fallu attendre Baudelaire pour le formuler aussi bien : « La femme est une déesse, la femme est une lumière », mais la « pensée », issue de la réflexion, de la déduction n’était certainement pas absente à l’époque qui nous occupe non plus.
Les statuettes préhistoriques retrouvées un peu partout, au sud de l’Angleterre, en Europe continentale et jusqu’en Sibérie l’attestent déjà et permettent de croire que la femme était portée aux nues pour être seule maîtresse de la vie… bien qu’avec ce petit malentendu qui durera des millénaires et qui sera lourd de conséquences.
Ces statuettes glorifient le proprement féminin : des seins énormes, un ventre gonflé de promesses, des hanches et des fesses démesurées… Certaines ont le pubis accentué par de la couleur rouge.
En les voyant, on peut imaginer un véritable culte, celui de la déesse-mère, qui s’est surtout développé à l’âge du bronze, deuxième millénaire avant notre ère, et qui se maintint… et qui se répandit !
Puis vint une formidable révolution humaine dont nous ressentons encore certaines ondes de choc aujourd’hui.
Avec la sédentarisation des populations, avec l’élevage, l’observation des animaux, avec l’agriculture, à côté des figurines féminines, on voit apparaître des symboles phalliques, ou des cornes de taureau, que la femme porte en main ou sur la tête.
Les hommes, les femmes aussi, avaient compris le rôle du géniteur dans la reproduction !
On ne mesurera jamais assez le bouleversement immense parmi les deux moitiés de l’humanité !
Oui, on peut parler de révolution pour cette découverte de la paternité, qui va façonner autrement, toute l’histoire des rapports humains jusqu’à nos jours et au-delà…
Évidemment la déesse-mère, la grande déesse n’est pas morte du jour au lendemain. Elle essaiera de se défendre, mais elle aura la vie dure.
Au début, le symbole phallique prendra l’aspect d’un jeune dieu qui n’est là que pour féconder gentiment la déesse, encore qu’il y eut des débordements sexuels un peu partout…
Ainsi, à Babylone, la grande déesse devient la grande prêtresse… descendue de grade, elle devient la prostituée du temple pour le bonheur du roi et le règne naissant du patriarcat !
Dans son sillage, hélas, on trouve la glorification, l’amplification d’une virilité guerrière, d’une mentalité conquérante, d’un grand appétit… « enfin » ont-ils sans doute pensé… de pouvoir.
La mythologie grecque est remplie de la mise en place de dieux patriarcaux et de leur guerre de conquête contre l’antique culture du divin féminin.
Héraclès (Hercule à Rome) grâce à sa massue, superbe symbole phallique, a ainsi triomphé grâce à sa force colossale, de la mère divine. Il est le Gilgamesh de Sumer arrivé en Grèce.
Héra a essayé de tuer Héraclès à l’aide d’un serpent ; bien qu’encore bébé, Héraclès a étouffé le serpent !
C’est lui aussi qui décapite l’hydre de Lerne… Lerne était un haut lieu de culte de la déesse…
Et quand on vous le disait que des retombées survivaient de nos jours et pas seulement dans les mentalités :
Au Nouvel An, on vend encore à Héraklion des massues d’Héraclès en plastique avec lesquelles les garçons s’amusent à frapper les filles !
La mythologie grecque recèle beaucoup de richesses. Ainsi, la boîte de Pandore vaut qu’on y jette un coup d’œil, d’autant que Pandore était une femme… pas un gendarme. Elle était la première femme façonnée par Héphaïstos, le dieu du feu, avec de la terre et de l’eau (encore une fois, c’est un mâle qui crée une femme !), et elle a été gâtée puisqu’elle a reçu, son nom l’indique, tous les dons, tous… mais pourquoi ?
Pour devenir, paraît-il, la punition de tous les hommes luxurieux !! Y en a-t-il tellement ? Y en avait-il tellement à l’époque ? On peut se le demander !
Le but était aussi de venger les dieux d’un vieux problème : du fait que Prométhée s’était permis de leur voler le feu… Et la fameuse boîte ? Pandore avait en effet une boîte qui contenait tous les maux… tous. Pandore, curieuse, a voulu voir… elle a ouvert la boîte et tous les maux se sont répandus sur la terre… Tous… Sauf l’espérance. Pandore a refermé la boîte à temps, l’espérance est restée dedans, il y a encore moyen de la trouver… C’est évidemment vital de pouvoir s’y accrocher en attendant des jours meilleurs, un sort plus équitable. Il nous reste l’espérance, Pandore merci ! L’espérance est nécessaire à Rome où la femme, pas plus que l’esclave, n’existe à proprement parler au regard du droit romain dans lequel le père a littéralement un droit de vie et de mort !
On peut se demander également, si dans le folklore, notamment chez nous, la déesse ne survit pas aussi sous la forme néfaste du dragon. À Mons, saint Georges, chaque année remet ça ! Il tue le dragon, il tue peut-être la déesse, il tue le mal en tout cas.
Saint Michel ne fait rien d’autre et il est imité en Irlande par St Patrick !
C’est le même geste que celui de saint Paul qui maîtrise le serpent devenu vipère dans les Actes des Apôtres.
Jésus aurait pourtant essayé, paraît-il, la grande réconciliation des deux sexes apportant ainsi une clé pour la paix et l’amour… mais les textes n’en parlent guère et ce qui est sûr, c’est que les pères de l’Église et saint Paul ne l’ont pas entendu ainsi :
« Le chef de la femme, c’est l’homme »
Saint Paul, saint Paul encore :
« Femmes, soyez soumises à vos maris, comme au Seigneur »,
« Toutes les femmes devraient mourir de honte à la pensée d’être des femmes » Clément d’Alexandrie (150-216)
« En toutes les bêtes sauvages, il ne s’en trouve pas de plus nuisante que la femme » Jean Chrysostome (340-407)
Le plus vulgaire est Odon, abbé de Cluny (879-942) :
« Cette grâce féminine n’est que Suburre, sang, humeur, fiel… Et nous qui répugnons à toucher même du bout des doigts de la vomissure et du fumier, comment donc pouvons-nous désirer de serrer dans nos bras le sac d’excréments lui-même ».
La grande déesse pousse un soupir et ce n’est pas le dernier.
Elle aura en tout cas bien du mal à s’en remettre.
Pour nous résumer, l’homme, à présent, a un but : soumettre la déesse à un dieu mâle, à un dieu-père.
Ce sera le combat des premières religions et notamment de celles du Livre.
Informations complémentaires
Année | 2006 |
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Auteurs / Invités | Anne-Marie Hansenne |
Thématiques | Questions de genre, Questions et options philosophiques, politiques, idéologiques ou religieuses, Religions |
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