Les polémistes d’hier et d’aujourd’hui ?

Agora Pensée libre

 

UGS : 2017017 Catégorie : Étiquette :

Description

Il y a le bien, il y a le beau, il y a le juste et on observe autour de nous que ces valeurs, qui sont jugées positives, ne sont pas cultivées pour ce qu’elles sont. Les gens ne recherchent pas spécialement la justice, les gens n’aiment pas vraiment le beau, ils ne savent d’ailleurs pas ce que c’est. Mais le beau varie ainsi que le bien. Ainsi le beau varie : bien sûr que les parnassiens ne peuvent pas comprendre ce que sont les naturalistes, et que les surréalistes méprisent les parnassiens et les naturalistes. Ils ont des conceptions tellement différentes du point de vue esthétique qu’ils ne peuvent pas se comprendre. À chacune des époques, la bien-pensance des parnassiens, c’est une philosophie de l’art ; la bien-pensance des naturalistes, c’est une autre philosophie de l’art, etc.

Si on considère un peu les choses dans notre monde contemporain, être bien-pensant, par exemple en Union soviétique, c’est respecter la doctrine marxiste-léniniste et ceux qui ne respectent pas la doctrine marxiste- léniniste, sont envoyés au goulag, parce qu’ils ne pensent pas bien, ils ne sont pas dans la bien-pensance. Dans notre société d’aujourd’hui, il y a des philosophes, des penseurs, des polémistes (Alain Finkielkraut, Éric Zemmour, Julien Dray) qui sont rejetés parce qu’ils ne pensent pas exactement comme pensent la majorité des gens, parce qu’ils bousculent les idées reçues, parce qu’ils ne répètent pas les clameurs de la vox popula.

Dans un monde où le féminisme nous écrase, il est extrêmement difficile de dire qu’on n’épouse pas les thèses féministes ou qu’on ne porte pas d’intérêt à la défense des femmes.

Aux États-Unis, il y a une sorte de clown qui a gagné les élections. Il n’est pas jugé bien-pensant, mais que sera la situation dans un an, dans deux ans, dans trois ans ? Ce seront ses adversaires d’aujourd’hui qui ne seront pas jugés bien-pensants.

La notion de bien-pensance est donc un concept très relatif, comme le démontre ces quelques exemples. Relatif à des époques, relatif à des philosophies générales communément acceptées comme l’était le marxisme-léninisme en Union soviétique, comme l’est peut-être le libéralisme outrancier au sein de l’Union européenne, etc.

L’antidote majeur à l’égard de la bien-pensance, c’est « la liberté de penser », c’est « le droit de critiquer ». De critiquer ce que « les autres » considèrent comme le bien, pas ce que l’on considère soi-même comme le bien.

Jean de La Fontaine n’était pas aimé à son époque et, aujourd’hui, il est reconnu comme un grand fabuliste et même comme un authentique moraliste. On ne connaît que le fabuliste, on ne connaît pas le La Fontaine des Contes ni le La Fontaine de l’époque de Fouquet qui, seul, reste fidèle à Fouquet quand tout le monde le déserte.

Dans le La Fontaine des Contes, on découvre des éléments érotiques à cultiver dans une société qui aime bien l’exaltation de la sexualité, les Contes de La Fontaine sont assez drôles.

Jean de La Fontaine était copain avec Fouquet et il a subi les rétorsions du pouvoir de Louis XIV et de Colbert qui le jalousait. Il n’est entré à l’Académie, alors que c’était un immense écrivain, que quelques mois avant sa mort parce que le pouvoir, les bien-pensants lui faisaient obstacle. Quand on dit les bien-pensants, on ne peut faire autrement que de penser à ces dévots que Molière attaque à travers son Tartuffe. Les bien-pensants de son époque, ce sont les tartuffes, ce sont les trissotins.

Tartuffe est une pièce qui devrait être montée tous les ans. Bien sûr, il y a, dans l’arrière-plan du Tartuffe de Molière, tout le milieu clérical, mais le milieu clérical de son époque, c’est le milieu bien-pensant d’aujourd’hui. Évidemment, ce n’est plus le milieu clérical qui nous occupe à présent : l’Église a perdu beaucoup de son crédit. Mais ce sont d’autres formes de pensée. On pourrait donner des milliers d’exemples, tel que l’ultralibéralisme européen.

Au sein de l’Europe, on voit que beaucoup de philosophes, beaucoup d’hommes politiques critiquent l’ultralibéralisme qui est un peu considéré comme la pierre de touche de la pensée européenne. Il est parfois difficile de critiquer cette attitude, car elle fonde une réalité politique qui devient générale et permanente.

Conclusion

La bien-pensance, c’est un concept relatif, relatif à des moments de la civilisation, à des visions de la société. La seule réponse à lui opposer, c’est la liberté de penser, c’est l’affirmation d’une pensée différente… Mais cette tâche-là n’est pas facile.

Molière a eu des soucis avec le Tartuffe par exemple. D’autres penseurs, Voltaire ou Diderot ont également eu des soucis à leur époque, parce qu’ils pensaient à contre-courant, parce qu’ils exprimaient leur liberté de pensée. Où sont donc les Voltaire et les Diderot dans notre société moutonnière, accrochée à l’horizon de ce qui « doit se penser » et de ce qui « doit se dire »…

Informations complémentaires

Année

2017

Auteurs / Invités

Christophe Van Rossom

Thématiques

Bien-pensance, Questions et options philosophiques, politiques, idéologiques ou religieuses, Questions éthiques