Description
Dans les dispositions législatives, en France, et même dans les partis les plus extrémistes tel que le Front National, on laisse des places pour les femmes sur les listes électorales. La loi, en France, l’impose. On a vu dans les dernières élections départementales qu’il fallait, à chaque fois, qu’un couple homme-femme soit candidat. En Belgique, il y a aussi des dispositions législatives qui prévoient qu’il y ait un certain nombre de candidates sur les listes par rapport au nombre de candidat. Rien de tel n’existe dans les pays très marqués par la religion comme la Russie, la Grèce, pour la religion orthodoxe. Dans les pays marqués par le catholicisme, il y a une évolution qui est plus lente, mais il y a une petite évolution.
L’Espagne n’a pas évolué aussi vite que la France et la Belgique, l’Italie non plus, mais on peut imaginer que, dans un avenir proche, l’évolution se fera. Ce genre d’évolution est toujours lent, il faut se souvenir qu’en Belgique ce n’est que depuis 1946 que les femmes ont le droit de vote. L’évolution a été lente, malgré Olympe de Gouges qui en 1791 pense qu’il faut créer une constitution avec la reconnaissance des droits des femmes. La pauvre sera fera décapitée. L’évolution est lente.
Plus la société se laïcise et plus l’ouverture aux femmes est grande. Ce sont les systèmes religieux qui confortent le blocage, et il n’y a pas que l’islam dans ce cas. L’hindouisme, par exemple, dans les pays où il est présent, ne promeut pas les femmes au pouvoir.
Avec une vision nettement moins philosophique, même si les femmes ont plus de droits en Belgique que dans d’autres pays, on constate que dans le monde du travail, dans le monde de l’entreprise, dans le monde politique, les femmes sont toujours minoritaires. On remarque également que dans le monde académique, donc dans les universités, soixante pour cent des personnes qui sortent diplômées des universités sont des femmes. Quand on regarde au niveau des doctorants, on n’arrive plus qu’à vingt pour cent, et quand on regarde au niveau des professeurs, on arrive à cinq pour cent. Dans les entreprises, c’est pareil. Au niveau du middel management, il y a beaucoup de femmes, mais au niveau du management, il n’y en a déjà quasiment plus. Dans le monde du travail, il ne s’agit plus d’une question de politique ou de religion, mais plutôt d’une question au sujet des représentations sociales qui ont été intégrées tant par les hommes que par les femmes. Que pourrait-on mettre en place concrètement pour que cette situation change ?
On voit, d’après les études réalisées, que ce soit en France, en Suisse, en Europe, on constate ce qu’on appelle le « phénomène du tuyau percé », c’est-à-dire que plus on monte dans la hiérarchie, et dès qu’on arrive à un poste définitif, le respect du pourcentage, au sein même d’une Faculté, le respect du pourcentage dans les postes les plus hauts – à partir des post-doc –, cela s’effondre complètement. L’ULB est un monde, un microcosme, tout à fait laïque et cela ne fonctionne pas mieux. Pourquoi ? Parce que les hommes sont aussi aux commandes ?
Dans certaines Facultés, les femmes sont majoritaires et elles le seront, bientôt, dans le corps professoral. Il est vrai que des femmes font des doctorats et qu’ensuite elles n’accèdent pas aux postes de professeurs ordinaires, etc. Pourquoi ? Une raison pourrait être que les femmes ont le désavantage de devoir, aussi, penser à leur carrière familiale. Ce qui fait que lorsqu’elles ont trente ou trente-deux ans, elles sont docteurs, mais elles pensent qu’il est temps, parce qu’elles le désirent, de fonder une famille et d’avoir des enfants. C’est à ce moment-là qu’elles ralentissent leur production scientifique, et comme elles ralentissent leur production scientifique, à côté de cela, il y a d’autres candidats femmes ou hommes qui sont bien mieux armés et qui peuvent prétendre aux postes de professeur ordinaire. Malheureusement, on constate que beaucoup de femmes qui grimpent les échelons dans la carrière universitaire sont des femmes qui vivent seules ou qui sont sans enfant. Les femmes qui ont des enfants ont du mal parce qu’il y a la vie familiale et qu’elles ne peuvent plus autant produire scientifiquement. Or on sait bien que c’est cela qui compte quand nomme des professeurs à des hauts niveaux.
Pourquoi une femme qui fait des enfants se sent obligée de diminuer sa production, alors qu’un homme qui fait des enfants, lui aussi, parce qu’en général il participe un peu, à un moment donné – en tout cas au départ –, lui ne va pas diminuer sa production ? Les limites ne se situent pas seulement au niveau des capacités de prestations horaires. Ce n’est pas à qui va chercher les enfants… Il existe des femmes manager qui ont des enfants et de plus en plus. La limite vient aussi des représentations sociales, peut-être pas dans le monde universitaire, mais dans le monde de l’entreprise où il n’y a rien à faire « une femme qui met son poing sur la table, c’est une hystérique, un homme qui met son poing sur la table, c’est un homme qui a des ‘couilles’ ». Il reste quand même une image des femmes, dans les entreprises, où on va penser qu’elles sont plus faibles, plus émotionnelles, etc., ce qui va faire en sorte qu’elles auront plus de mal à acquérir des postes à responsabilités.
À l’Université, on ne dit pas qu’elles sont plus faibles, en tout cas pas dans la Faculté de Philosophie et Lettres. Les situations peuvent être différentes selon les Facultés où il y a beaucoup moins d’étudiantes au départ, beaucoup moins de docteures et donc beaucoup moins de professeures. Il n’y a pas énormément de femmes ingénieures et il y en a encore moins qui deviennent professeure ordinaire, ce qui n’est pas le cas en Philo-Lettres. Mais souvent, et elles le disent, c’est au détriment de leur vie familiale.
Il y a eu des enquêtes sur le sujet, elles ont eu lieu en Suède, et on ne peut pas dire que la Suède est un pays rétrograde, où on a demandé « qui étaient dans les commissions de nomination ? » Réponse : des hommes. Et on a interviewés ces hommes et on leur a demandé pourquoi ils nommaient moins de femmes. Une réponse fréquente était que nommer une femme c’est risqué. « Les femmes, c’est risqué, les femmes, on ne les connaît pas, on ne sait pas comment elles vont réagir… » Ce sont les discours des hommes, membres de ces commissions, qui doivent nommer et choisir des candidates. Pourtant à curriculum vitae égaux, ils ne choisiraient pas forcément l’homme plutôt que la femme. Lorsqu’une femme est nommée au même poste qu’un homme, elle a publié, en moyenne, deux fois et demi plus qu’un homme. Ces chiffres sont vraiment étonnants : ces enquêtes ont été publiées dans The Edge. Il y a des faits objectifs par rapport à tout cela et le monde académique est aussi un monde masculin. À la Faculté Polytechnique, en effet, il y a peu de femmes, elles sont cinq ou six, mais il y a quand même deux professeures ordinaires parmi elles et il y a aussi deux vices-doyennes. Cela parce qu’ils ont fait la parité. Le problème, c’est qu’il n’y a plus de femmes pour prendre le relais.
Quand on parle de société plus laïcisée, ce n’est pas évident. En France, la laïcité est dans la Constitution depuis 1905, et pourtant ce n’est pas une garantie. En Belgique, il y a des règles qui ont été édictées par rapport à la parité, par rapport à l’alternance. Ce sont des règles ont été éditées parce que les femmes ont aussi été aux commandes au Parlement. C’est parce qu’il y a eu des femmes au Parlement que ces causes ont pu être défendues.
Au Parlement bruxellois, il y a à peu près quarante pour cent de femmes et notre pays n’est pas fort en avance en cette matière. Par exemple, au Parlement fédéral, il y a quatorze hommes pour seulement quatre femmes ; au Parlement flamand, c’est plus équitable, il y a cinq hommes pour quatre femmes ; au Parlement bruxellois, il y a quand même quatre hommes pour quatre femmes ; par contre au Parlement Wallon, il y a sept hommes pour une seule femme ; à la Fédération Wallonie-Bruxelles, il y a cinq hommes pour deux femmes et du côté germanophone, il y a trois hommes pour une femme. Malgré les parités, malgré l’alternance sur les listes électorales, on constate que les femmes sont encore minoritaires dans les gouvernements.
Pour rappel, toutes les femmes ne sont pas féministes. Ce n’est pas parce qu’une femme occupe un poste de pouvoir décisionnel qu’elle défendra la cause des femmes. Mais l’expérience démontre que plus les femmes sont nombreuses au sein des instances dirigeantes, que ce soit dans des conseils d’administration, que ce soit au niveau des parlements ou des gouvernements, plus la question des femmes est portée et, généralement, les hommes plient devant les arguments des femmes sur la question des femmes.
Devant les questions abordées au Parlement bruxellois, il n’y a pas vraiment de résistance, excepté pour ce qui concerne la question de l’islam ; là, malheureusement, il y a beaucoup de résistance.
Avec seize pour cent de femmes qui siègent dans les comités de direction des grandes entreprises cotées, la Belgique se glisse dans le trio de tête européen, derrière la Norvège et le Danemark. Cela démontre que notre petit pays a fait beaucoup de progrès (mais aussi pour l’euthanasie, le droit à l’avortement, le mariage gay…). Par rapport à la France, la Belgique est un pays à contrastes, certes, mais elle devance la France sur bien des sujets (même si pour certains le mariage gay est une régression, mais tout est relatif…).
Les religions, malheureusement, ne reculeront pas dans le contexte actuel. Par contre, si les femmes se battaient davantage pour avoir accès aux postes importants au niveau de la religion, peut-être qu’effectivement cela changerait la « donne ». Il est vrai qu’au niveau des religions, les femmes sont totalement invisibles : elles n’ont pas le droit à la parole. Elles devraient prendre la parole, comme on le fait ailleurs, pour tenter d’infléchir le cours des choses, mais il est à douter que notre société d’aujourd’hui aille dans le sens d’une remise des églises à leur juste place.
On a d’ailleurs pu constater que là où les femmes ont du pouvoir dans les religions, elles font exactement les mêmes bêtises que les hommes. Par exemple Umm Summayyah, femme de djihadiste, a déclaré qu’il vaut mieux avoir des esclaves sexuelles plutôt que de payer des prostituées.
La libération des femmes passe par la libération mentale.
De tout temps, les femmes ont été tellement endoctrinées qu’elles ont intégré, elles-mêmes, les chaînes de l’asservissement. Quand on voit les traditions, le mariage forcé, la polygamie, l’excision, ce sont des femmes qui les pratiquent. Elles les pratiquent parce qu’elles ont tellement intégré ces chaînes de l’asservissement qu’elles les perpétuent sans même s’en rendre compte. Les femmes ne sont pas forcément libératrices des femmes, mais il y a des femmes et des hommes – parce qu’il y a des hommes qui sont libérateurs –, qui se battent pour que les choses changent et c’est avec eux qu’il faut avancer.
Le changement n’est pas pour demain et c’est pourquoi ce combat de l’humanité pour l’humanité ne pourra se faire qu’avec les hommes.
Toutes les femmes ne sont pas féministes et il se fait qu’il y a des femmes qui se comportent comme des hommes, mais le tout est validé, estampillé par des textes religieux. Les évolutions sont toujours extrêmement lentes, et on remarque qu’il y a parfois régression dans la situation des femmes.
Si on fait passer les valeurs citoyennes ou, en France, les valeurs de la République avant tout, cela voudrait dire qu’il ne pourrait plus y avoir un sous-groupe qui se revendique comme tel dans un groupe, le groupe républicain, un sous-ensemble, mathématiquement, dans un ensemble plus vaste. Il faut en finir avec cela.
Informations complémentaires
Année | 2015 |
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Auteurs / Invités | Fatoumata Fathy Sidibe |
Thématiques | Droits des femmes, Égalite H-F, Questions de genre, Questions et options philosophiques, politiques, idéologiques ou religieuses, Religions, Travail / Emploi / Chômage |