Et si l’avenir de l’école demandait un retour à la tradition… Acquisition et transmission des savoirs

Agora Pensée libre

 

UGS : 2016030 Catégorie : Étiquette :

Description

Il faut mettre les choses en perspective, car lorsque l’on parle de la tradition, on a l’impression d’entendre à travers ce mot l’idée de quelque chose d’ancien, de désuet, de passé,… Il faut revenir vraiment à ce qu’est tradere, à ce qu’est tradition, c’est-à-dire remettre quelque chose à quelqu’un, transmettre.

Et si l’on parle de l’éducation, il faut revenir à un texte qui est fondamental, c’est le texte qu’a écrit la philosophe germano-américaine Hanna Arendt, en 1958, La Crise de l’éducation. Dans son livre, elle dit de façon extrêmement naturelle ceci :

« C’est bien le propre de la condition humaine que chaque génération nouvelle grandisse à l’intérieur d’un monde déjà ancien ».

Il est clair que l’éducation, c’est ce passage du monde ancien au monde nouveau. C’est quelque chose qui semble entièrement naturel. Or si on s’interroge aujourd’hui sur Et si l’avenir de l’école demandait un retour à la tradition…, c’est qu’il y a une fameuse rupture.

Toute cette rupture est déjà annoncée dans le livre d’Hanna Arendt, publié en 1958 aux États-Unis et va prendre tout son sens, curieusement, dans une révolution anti-américaine dix ans plus tard, en mai 1968. Il faut passer par cet historique, car il y a une origine à la question de la tradition. Cette origine est, peut-être propre au monde occidental. Déjà dans les Évangiles, le Christ dit : « Je suis venu pour opposer le fils à son père, etc… » Donc, l’idée de la rupture par rapport à la tradition existe.

Ce qui se produit depuis un demi-siècle environ et qui crée cette rupture avec la tradition est quand même ancré historiquement. C’est pourquoi l’ouvrage Les Déshérités ou l’urgence de transmettre de François-Xavier Bellamy, est un livre tout à fait intéressant parce qu’il synthétise vraiment la question de la transmission et où il reproduit l’historique.

En octobre 1976, à l’Université de Paris VIII, une pétition contre Confucius circulait, les groupes maoïstes avaient un an de retard, mais c’était la fin de la campagne pilin-pikong, c’est-à-dire la campagne contre le général Lin Biao et contre Confucius. C’est une campagne qui visait, à travers Confucius, la question de l’éducation et la question de la spiritualité. Certains étudiants ont signé cette pétition, mais d’autres étaient hésitants et commençaient à avoir des doutes. Cet exemple traduit l’ambiance qui régnait dans l’intelligencia et dans l’université parisienne à la moitié des années 1970. Cette université parisienne représente les sociologues, l’école de sociologie de Pierre Bourdieu et de Jean-Claude Passeron. Ce sont les sémiologues comme Roland Barthes, ce sont les écrivains comme Philippe Sollers, c’est toute une série de philosophes comme Alain Badiou, comme Jacques Rancière, c’est donc toute une masse de gens qui, aujourd’hui, ont une influence considérable, et avec beaucoup de retard, sur nos universités.

Le livre Les Déshérités de François-Xavier Bellamy traduit bien toute cette histoire, raconte tout ce qu’il y a dans la philosophie occidentale depuis Descartes en passant par Rousseau. L’idée de rompre avec l’ancien, de rompre avec la transmission.

Ce qui va prendre forme et corps dans la pensée de mai 1968, ce sont les écrits de Pierre Bourdieu et de Jean-Claude Passeron, d’abord avec Les Héritiers en 1964 et puis, en 1970, avec La Reproduction. C’est l’idée que, en réalité, la culture et l’enseignement sont fondamentalement discriminatoires : le contenu n’est pas discriminatoire, mais la fonction elle-même d’enseigner est discriminatoire.

La culture est véritablement « criminalisée » contre l’égalité, parce qu’elle est porteuse d’inégalités, elle dit : « Cela ne sert à rien de faire de la discrimination positive. La culture est profondément ancrée dans les élites et elle est ce qui émane des classes dirigeantes et dans la reproduction, il n’y a rien à faire ». Si, il y a à faire dans la reproduction, mais cela recoupent d’autres inventions des linguistes.

On a dit que tout langage est arbitraire, que tout langage est un instrument de pouvoir. C’était la leçon inaugurale de Roland Barthes au Collège de France, le 7 janvier 1977. Il a également dit : « La langue est fasciste parce qu’elle oblige à dire », alors les étudiants qui sont sortis de cette cession étaient très contents, car ils avaient trouvé une idée fantastique : « La langue est fasciste ».

Aujourd’hui, quarante ans plus tard, il y a des gens, qui sont dans des institutions, qui le pensent et qui l’appliquent, et c’est un véritable problème, car toute cette ambiance qui règne, est opposée à la culture.

Un livre intéressant parce que le titre marque la rupture, c’est Cours camarade, le vieux monde est derrière toi. Ce livre est la suite de tout ce qui est sorti en mai 1968 : une compilation de tous les slogans, de toutes les inventions, etc. Il y a un épisode assez amusant dans ce livre : « Un groupe d’étudiants dit : ‘On va aller au Louvres. On va piquer les œuvres, on va prendre le grand Véronèse et on va le sortir et on va montrer que les Crs vont venir pour empêcher le Véronèse de sortir, ce qui prouvera que le patrimoine culturel appartient bien aux élites, aux classes dirigeantes et au pouvoir’ ».

La culture appartient au pouvoir, le langage, c’est le langage du pouvoir ! On vit dans ce monde-là, et tout cela peut être étayé évidemment, parce qu’il y a d’une part le groupe avec Roland Barthes, Philippe Sollers, Julia Kristeva, et puis il y a les « maoïstes durs » comme Jacques Rancière, comme Alain Badiou, et ils vivaient dans cette nécessité de rompre avec la culture des élites, de rompre carrément avec la culture. Et, curieusement, petit à petit, il va y avoir une sorte de transmission de tout cela à travers nos institutions.

En revanche, il va y avoir des gens qui vont prendre cela au pied au de la lettre, comme par exemple les Khmers rouges. Au Cambodge, ils ont décidé que la culture, c’était les élites et qu’il fallait rompre avec tous ceux qui avaient appris le français à l’école, qu’il fallait rompre avec tous les intellectuels, qu’il fallait qu’il n’y ait surtout pas de transmission. Ils ont massacré tous ceux qui ont été à l’école ou du moins tous les intellectuels,… Pourquoi ? Parce que s’il s’agit de créer une société égalitaire, il faut d’abord éliminer tout ce qui pense, et on est, tout simplement, dans la radicalisation de la révolution culturelle.

Après le dernier voyage que Philippe Sollers et Roland Barthes ont fait avec Julia Kristeva dans la Chine maoïste, à la fin des années 1975 environ – fin de la révolution culturelle –, ils ont dit : « C’est triste, si jamais la révolution culturelle est finie, c’est un véritable drame pour l’évolution de nos sociétés, pour le prolétariat ». On se retrouvai là, devant une véritable rupture culturelle. Et cela fera son chemin dans l’idée qu’il faut quand même du « savoir ».

Le savoir crée des hiérarchies, le savoir c’est des instruments de pouvoir. Il y a toujours celui qui sait plus, celui qui sait moins, cela crée des désirs qui diffèrent, c’est malsain. C’est pourquoi, petit à petit, il va y avoir toute une série d’attaques contre la transmission. La transmission, c’est quelque chose qui nous vient du vieux monde, et maintenant il faut créer un enseignement beaucoup plus égalitaire.

En Belgique, les choses prennent du temps parce qu’il y a différentes cassures institutionnelles. La Belgique devient un pays fédéral, il y a des régions, l’enseignement appartient aux communautés. Et puis, il y a la Communauté française qui met en œuvre toute une politique largement inspirée de ces mouvements soixante-huitards.

En juillet 1997, le décret mission

En devenant directeur d’un établissement, on pense encourager le savoir et faire acte de transmission. En lisant le décret mission, on pense que c’est une erreur.

Mais que dit le décret mission ?

L’objectif de l’enseignement, c’est amener les jeunes à acquérir des savoirs et des compétences, mais c’est surtout, et en grande partie, acquérir une responsabilité citoyenne et pouvoir avoir sa place dans le monde économique et social de demain, ce qui est tout à fait louable.

Qui ne voudrait pas que chaque jeune devienne un citoyen ? Devenir citoyen, c’est un objectif qui paraît élémentaire, mais ce qui est dramatique, c’est qu’on n’insiste pas du tout sur le savoir, sur l’acquisition. Amener les jeunes à acquérir les savoirs et les compétences, c’est tout un travail. On ne dit plus qu’ils doivent savoir, mais qu’il faut amener les jeunes à acquérir… Quelle différence ! Et cela se situe dans le deuxième paragraphe du décret mission sur les quatre objectifs.

Pourquoi des savoirs ?

Pour exercer une fonction sociale, une responsabilité sociale. Et ça c’est le décret mission qui instaure aussi la pédagogie dite « pédagogie des compétences ». Acquérir des compétences, c’est également très louable. Les compétences, c’est une méthode de travail qui mobilise le savoir pour accomplir une tâche. Donc un élève doit résoudre un problème grâce aux savoirs qu’il possède. Mais ce n’est pas du tout cela dans la réalité.

Dans la réalité, les compétences, c’est quoi ? C’est quelque chose que tout le monde connaît, parce qu’on a joué à cela pendant les vacances avec les mamans qui ouvraient leur Marie-Claire ou leur Elle, dans lesquels il y avait des jeux et autres énigmes…

En fait le problème de la pédagogie des compétences, c’est que si cela donne du sens à l’élève, cela ne fixe rien, on ne demande jamais de mémoriser. Lorsque des inspecteurs viennent dans les classes et voient que certains professeurs donnent des cours en expliquant certains savoirs, ces professeurs se font « recadrer ». On est dans un réflexe de notre monde aseptisé. Il faut se rappeler qu’au Cambodge en 1973, il y a eu un million sept cents mille morts pour la même raison.

On se retrouve avec une pédagogie qui est parfois vraiment autoritaire, parce qu’il y a des gens qui viennent vous dire que vous ne pouvez pas enseigner des savoirs et que l’enseignement sert à communiquer, qu’il faut faire des tâches de communication. Communiquer bien sûr… La communication, c’est pour communiquer. Mais communiquer quoi ?

Par exemple, les compétences en langues germaniques, quand on voit les examens en deuxième, en troisième année, les élèves doivent communiquer, mais que vont-ils communiquer puisqu’ils n’ont pas de savoir ? C’est d’un bêtifiant. C’est toujours la même chose et cela se résume à : « Tu rencontres un ami aux Pays-Bas, qu’est-ce que tu lui dis,… », c’est devenu une répétition et une ânerie. C’est extraordinaire, il n’y a plus rien, il n’y a plus de contenu.

Alors communiquer ? Oui, mais que communique-t-on ? On communique son âge, on communique sa ville, on communique éventuellement au sujet de la voiture de son papa : c’est une allongée, une grosse, un break, voilà en résumé ce que l’on communique. Et en dehors de cela, il ne faut surtout pas parler de littérature, surtout pas parler de culture. Et le problème c’est que cela se transmet dans le cycle supérieur, où là aussi, il ne faut, pas parler de culture, de littérature, etc. Il faut des tâches de communication. Alors on donne des textes informatifs, on va prendre, par exemple, un article sur un fait qui s’est déroulé à Bruges, comme par exemple un vol perpétré dans un musée à Bruges, c’est très important. Le vol du tableau, ça, ce n’est pas très important, ce qui est important, c’est ce qu’il s’est passé, ce que la police a fait, etc. Voilà donc des tâches de communication.

On est dans cette institution, dans ce travail, dans cet engrenage institutionnel où on ne cherche surtout pas à transmettre ce qui vient du passé.

Lorsque l’on évoque mai 1968, lorsque l’on évoque l’Université de Paris VIII, qui était une université gauchiste, qui a été créée à l’issue de mai 1968, on transmet un peu le passé.

Culturellement, c’était un véritable bouillon, parce que tous les étudiants qui étaient là, qui étaient tous des anarchistes ou des anarcho-communistes, venaient essentiellement pour apprendre la parole des maîtres… Parce que c’étaient des maîtres. Que ce soit Jacques-Alain Miller, le beau-fils de Lacan, que ce soit Gilles Deleuze, Félix Guattari que ce soit Foucault,… Ils étaient là, ils étaient dans le paradoxe le plus total. Et, donc aujourd’hui, il est important de dire et de transmettre cette histoire et le pourquoi on en est arrivé là dans l’enseignement.

Que se passera-t-il dans dix ans, dans vingt ans si on continue comme ça ?

On forme des jeunes qui sont de plus en plus acculturés, qui n’ont plus de connaissance de leur passé, qui n’ont pas la connaissance de leur langue. Et, effectivement, si on continue comme cela, dans un siècle, tout le monde parlera anglais, certainement pas l’anglais de Dickens, mais une sorte de globish, pourquoi ? De nos jours, tout est en anglais, mais quel anglais ? Un anglais qui est essentiellement utilitaire, on efface la langue, on efface les racines, on efface son mode de pensée. Tout cela est un réel danger, parce qu’il faut enseigner l’anglais pour communiquer, le français pour communiquer, mais au final, à quoi ressemble encore la langue ?

Nous formons des jeunes dans un monde sans contraintes, cela doit être dit. Il faut expliquer aux jeunes qu’il y a des règlements, éduquer, aujourd’hui, devient, éduquer à suivre une règle, expliquer pourquoi il faut suivre cette règle et il faut justifier la question de la règle.

Anna Arendt, dans son livre, La Crise de l’éducation, en 1958, prévoit déjà tout cela. La suppression des hiérarchies institutionnelles va en fait recréer les hiérarchies de groupes, c’est-à-dire les hiérarchies primitives. Et c’est déjà ce qu’il se passe dans les classes ; si on abandonne la classe, tout le monde est égal, tout le monde est frère, etc., mais à l’intérieur des groupes, s’il n’y a pas de règles, s’il n’y a pas d’autorité. les autorités vont se faire naturellement et on revient aux autorités primitives. Et donc c’est la mafia, c’est la barbarie. C’est peut-être extrapoler loin, mais c’est une possibilité réelle. On voit, dans beaucoup d’établissement scolaire, aujourd’hui, se créer, parmi les jeunes, des phénomènes de groupes, des phénomènes de bandes, etc., qui sont des phénomènes où, simplement, une autorité n’existant plus, ce sont les autorités naturelles qui reviennent au galop et alors on en revient à quelque chose de primitif, à des rassemblements de groupes.

Il ne faut pas non plus négliger cet argument qui est sous-jacent : par exemple, les discours d’extrême droite sont des discours de groupe, de l’identité de groupe. Et il faut se méfier de tout ce qui est nationaliste, etc. parce que, justement, ce sont des identités d’appartenance souvent artificielles et issues de l’histoire et, qui sont, quelque part, fondées sur des actes d’autorité ou des phénomènes de l’histoire purement passagers.

On a une sorte de convergence entre le refus de l’autorité libertaire issu de mai 1968 et l’utilitarisme du monde économique, parce que le monde économique dit que les gens cultivés sont des gens qui vont critiquer, etc., qu’il vaut mieux avoir des gens qui connaissent les mathématiques, parce que les mathématiques c’est utile.

Les mathématiques, mais pas les sciences. Pour ce qui concerne les mathématiques, il n’y a pas de problèmes : là, on conserve l’élitisme, là on conserve la tradition, mais en revanche, il faut se méfier de tout ce qui est culturel. François-Xavier Bellamy cite toute une série d’exemples de grandes écoles, de hautes écoles parisiennes où il n’y a plus de culture générale. Et là, on s’achemine vers quelque chose qui risque de se rapprocher d’une forme de barbarie.

Alors réagir ? C’est urgent et c’est absolument nécessaire.

Quels sont les obstacles ?

Il y en a plusieurs. Les obstacles sont principalement les psychopédagogues. C’est important, les psychopédagogues, parce que, là, on se retrouve dans la sphère qui est issue d’une mauvaise interprétation de la psychanalyse. C’est-à-dire que les psychopédagogues disent : « On va mettre l’enfant au centre de l’éducation ». Non, l’enfant est un sujet d’éducation, c’est un passager, ce n’est pas le centre de l’éducation. Et si on dit que l’élève est au centre de l’éducation, on est sûr de ne pas avancer, parce qu’il y a un principe qui est essentiel chez l’humain, c’est le principe d’inertie : Je n’ai pas envie de bouger, je suis là, je suis bien, je suis au soleil tout va bien. Ce principe-là est essentiel parce qu’il faut faire bouger, parce qu’un enfant on lui apprend à marcher. Si on le laisse tout seul, il se redressera peut-être, mais ce n’est pas certain.

L’éducation est quelque chose de contraignant et la base de la psychanalyse, la base de la découverte freudienne – la question de la castration –, c’est quand même la pire des frustrations… Et maintenant, il ne faut plus frustrer, et il ne faut surtout pas frustrer l’enfant.

Donc le premier obstacle, ce sont les psychopédagogues qui font des travaux remarquables et intéressants tant qu’on ne les impose pas à la collectivité.

Ils font des travaux remarquables pour chaque individu, et malheureusement c’est à ce moment-là que les politiques disent qu’ils vont en faire une politique. Et on impose à tout le monde ce qui ne convient peut-être qu’à un. Et, de fait, cela ne marche pas. Le grand paradoxe des psychopédagogues, c’est qu’ils ont chacun leur vérité. Par exemple, ils pensent qu’avec telle méthode d’enseigner, tout le monde va comprendre les mathématiques, que l’on va tout savoir. Mais comme ils ne sont pas sur le terrain, ils ne se rendent pas compte que ce n’est pas comme cela que ça fonctionne.

Depuis vingt ou trente ans, les institutions – parce qu’il n’y a rien à faire, nous vivons dans un monde qui est extrêmement populiste –, la politique, la démocratie ont pris un tournant. Nos politiques vivent dans l’immédiateté, c’est dû à la professionnalisation du métier de politicien qui fait que l’on vit à court terme. Et c’est également un des principaux obstacles.

Pour revenir à mai 1968, quelqu’un comme Daniel Cohn-Bendit est quand même quelqu’un d’intelligent : quand on l’interroge sur le monde politique, que dit-il ? Il dit qu’il regrette que le monde politique qu’il côtoie au Parlement européen et autres, soit si peu cultivé, qu’il manque tellement de culture. C’est-à-dire que la transmission est aussi, quelque part, obstruée par le monde politique. Il y a urgence de reprendre la transmission.

Quelle transmission ?

Transmettre, c’est transmettre tout ce qui est porteur de sens du passé, c’est-à-dire tout ce qui peut apporter, aux générations nouvelles, du sens pour que les générations nouvelles, à leur tour, l’interprètent. Ça, c’est le progrès – le progrès, c’est partir de l’ancien pour créer du nouveau.

S’il faut transmettre quelque chose, il faut transmettre tout ce qui a du sens. Par exemple, il ne sert à rien d’apprendre l’Épitre aux Corinthiens de Paul de Tarse par cœur. En revanche, le texte de saint Paul est un texte d’importance considérable dans toute l’histoire du christianisme et dans toute l’histoire de la naissance du christianisme. Pourquoi est-ce important ? Comment l’a-t-il rédigé et dans quel but ? Pourquoi ce texte a eu tellement d’influence ? Ça, c’est important, et ça c’est à transmettre. Et il en est de même pour toute la littérature, il en est de même pour tous les savoirs, il en est de même pour toute la culture. Or ce que l’on peut apporter aux jeunes, c’est le sens de tout cela. Et les jeunes, à partir de ce sens comment vont-ils le transformer, l’interpréter et évoluer ? On est le fruit de l’évolution.

On ne parle plus latin, mais d’un autre côté, la langue que l’on parle est issue de la transformation que l’on étudiait encore phonétiquement, morphologiquement, grammaticalement, la transformation de cette langue latine, il n’y a pas si longtemps. Car finalement, il est bon d’enseigner le latin, il est bon d’enseigner le français, mais il faudrait aussi enseigner le franco-provençal. Quand on parle du latin et du français sans faire de la linguistique historique, il y a des chaînons manquants et il y a des chaînons manquants qui ont du sens, ils éclairent sur le latin et sur le français. C’est un peu excessif, mais l’histoire de la langue, non seulement a du sens, mais il est nécessaire de l’apprendre. Si on met un « s » au pluriel en français, il y a une raison : ce « s » ne tombe pas du ciel, et il faut apprendre cet historique de la langue aux élèves afin qu’ils puissent eux-mêmes transmettre.

Donc apprendre, transmettre, oui ; mais transmettre ce qui a du sens.

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Informations complémentaires

Année

2016

Auteurs / Invités

André Possot

Thématiques

Culture, Décret Mission, École / Enseignement, Éducation, Pédagogie