Dieu ?

Willy DE WINNE

 

UGS : 2012039 Catégorie : Étiquette :

Description

Confronté à une réalité menaçante et incompréhensible, mettant en cause sa survie et celle de ses proches, le primate en voie d’hominisation, émergeant progressivement d’un monde purement instinctif, était bien obligé d’imaginer et de croire en des forces surnaturelles, seules à même de lui fournir une explication rassurante à ses peurs et à sa mort. Il s’est mis à imaginer un monde surnaturel d’esprits et de divinités qu’il a voulu influencer en sa faveur. La pensée mythique, avec ses expressions cultuelles et rituelles de plus en plus variées, a été sa première arme de défense pour conjurer le mauvais sort et pour faire face à son environnement hostile. En renforçant le lien social de la tribu, ces mythes fondateurs ont favorisé la cohésion et la capacité de défense du groupe. En visitant la grotte de Lascaux, par exemple, nous pouvons encore nous en faire une idée en percevant le souffle du sacré qui anime les divinités animales représentées.

Il faudra ensuite attendre quelques millénaires pour que la pensée mythique et instinctive engendre petit à petit la raison. Une étape fondamentale dans cette diversification de la pensée constitue sans doute le moment où l’homme est parvenu à vaincre sa peur pour domestiquer le feu tombé du ciel. Les autres animaux, prisonniers de l’instinct, n’y sont pas parvenus. L’image de Prométhée, celui qui était allé dérober le feu aux dieux de l’Olympe, nous montre que son extraordinaire performance était néanmoins considérée, par la société antique, comme un acte inadmissible de profanation qui devait être sanctionné éternellement et sans pitié par les dieux.

De la même façon, selon le mythe judéo-islamo-chrétien, la consommation du fruit défendu de l’arbre de la connaissance, devait également entraîner une sévère punition pour Adam, Ève et pour toute leur progéniture. L’accès par l’homme à la « vraie connaissance », loin de lui avoir gagné l’admiration de sa descendance, a, au contraire, été stigmatisé comme une tare indélébile et héréditaire pour sa progéniture, alors qu’enfin notre espèce parvenait à s’échapper du monde déterministe de l’instinct soumis à la divinité.

L’histoire des hommes est une longue répétition de cette résistance farouche et impitoyable de la pensée mythique religieuse contre l’esprit rationnel scientifique. Et en ce XXIe siècle, le fanatisme religieux domine encore plusieurs peuples, malgré les extraordinaires progrès scientifiques et techniques du monde moderne. Là où l’obscurantisme prévaut, la misère et le sous-développement perdurent.

Si, au premier essai, l’homme a réussi à marcher sur la lune et à en revenir sain et sauf, c’est d’abord parce que les lois de la nature sont précises et fiables, et ensuite parce qu’elles sont compréhensibles dans leurs effets par l’intelligence humaine.

La nature est logique, constante et intelligible. Elle ne triche pas, elle ne nous soumet pas à la tentation, elle n’offre pas de passe-droits, elle est valable toujours et partout dans l’univers. Et même, lorsqu’elle admet le principe de l’incertitude propre à la mécanique quantique ou de l’intrication quantique de deux particules séparées dans l’espace, elle reste rigoureuse et égale à elle-même. Y a-t-il une cause première à l’univers et à la nature ? Peut-être que oui, peut-être que non.

Comme Spinoza, j’accepte volontiers l’hypothèse que la nature est sa propre cause. La nature est dieu. Si nous sommes parvenus à comprendre une petite partie des lois naturelles, la plus grosse part des lois de la « nature-dieu » nous reste encore cachée comme la partie immergée de l’iceberg. La question de vouloir s’y soumettre ou non, n’a aucun sens : la nature s’impose d’elle-même. Rien ni personne n’échappe aux lois naturelles partout dans l’univers. Spinoza l’exprime ainsi : Deus sive natura ! Pour avoir renié le dieu personnel et anthropomorphe juif, qui était supposé entretenir une relation privilégiée avec les hommes, et en particulier avec « son peuple élu », Spinoza a été excommunié de sa synagogue.

Croire en ce « dieu-nature » ou ne pas y croire, ne sont pourtant pas des options pertinentes, car quelle que soit la réponse, elle ne changera absolument rien à l’évidence d’un univers grandiose et complètement indifférent à notre opinion. Aussi le pari de Pascal y perd également toute pertinence. D’évidence, ce « dieu-nature » ne se fait pas adorer, encenser, prier…, il ne fait pas de promesses, il ne récompense ni ne punit et il est indifférent au bien et au mal des hommes et des êtres vivants. Il se situe en dehors du temps et de l’espace, dont nous les hommes sont prisonniers. « Dieu-nature » est un dieu absolu, fiable, intangible, incorruptible, il n’est ni bon ni mauvais ! Et dès lors pourquoi ne pas garder l’imprononçable tétragramme pour évoquer son intangible existence. Ce dieu de Spinoza, que je puis reconnaître est l’exact contraire d’un dieu mythique jaloux et toujours en attente d’être vénéré, encensé, adoré et qui suscite chez les hommes cette tendance désagréable à une obséquiosité servile et obsessionnelle.

Le dieu de la nature et de la science est « éternel et absolu », à qui rien ne manque et qui dans sa plénitude n’accepte rien de personne. Il se manifeste par ses lois naturelles que l’homme a entrepris de comprendre. Il arrive bien sûr à la science humaine de se tromper dans sa compréhension de la « nature-dieu » et de ses lois, mais dans ce cas elle se corrige dés que possible. Elle ne persévère pas diaboliquement dans l’erreur comme par exemple le Saint-Office romain qui a mis cinq cents ans pour enfin reconnaître sa stupide erreur à l’égard de l’héliocentrisme de Galilée.

Le dieu « relatif » et « relationnel » des religions exige continuellement d’être l’objet de prières, de louanges et d’incantations de la part des hommes. Sa toute-puissance prétendue se trouve fortement contredite par l’existence tolérée par ce dieu lui-même, d’êtres tout aussi puissants et malfaisants, les diables, créés par lui.

Par son comportement, ce dieu des religions ressemble comme deux gouttes d’eau à l’homme lui-même. Sa vanité et son goût de puissance et de gloire le caractérisent, comme les catholiques croyants le souhaitent dans leur prière « Car c’est à toi qu’appartiennent le règne, la puissance et la gloire, pour les siècles des siècles ! »

Ce dieu de l’Ancien Testament se comporte comme un dominateur, qui ne recule pas devant le mensonge et la tentation pour affermir son autorité. Ce dieu là savait bien qu’Ève et Adam ne résisteraient pas à croquer « le fruit défendu de la connaissance » et qu’il pourrait ensuite, grâce à ce piège, les punir pour l’éternité ainsi que leur descendance. En leur tendant ce piège fatal, il s’est conduit exactement comme un homme de pouvoir, voulant interdire au premier couple, l’accès à la connaissance, qui les rendrait égaux à lui.

Les croyants catholiques s’en souviennent d’ailleurs dans leur prière : «… et ne nous soumet pas à la tentation, mais délivre nous du mal… ». C’est le même dieu vicieux qui exige d’Abraham qu’il tue son fils Isaac, le même qui allume la jalousie dans le cœur de Caïn en refusant son sacrifice, qui fait tuer les premiers nés de l’Égypte pharaonique, qui détruit sa création par le déluge, qui se dit tout-puissant, mais qui se laisse incarner en un charpentier et tenter par le diable pendant quarante jours au désert, qui descend en enfer après sa mort sur la croix…. ! Ce qui est remarquable chez ce Dieu « un et unique », c’est qu’il prétend s’exprimer dans une multitude de « Livres sacrés » qui se contredisent entre eux. Ces contradictions ne semblent pas trop le déranger, mais ce qu’il refuse par-dessus tout, c’est qu’on le blasphème et qu’on le rejette, alors qu’il s’est laissé crucifier pour avoir blasphémé lui-même contre sa propre « unicité » !

Mon « dieu-nature » à moi est au contraire, totalement indifférent et répulsif au blasphème, qui lui coule sur lui comme de l’eau sur une toile cirée ! Les multiples manifestations naturelles de ce dieu, telles que les inondations, les séismes, la dérive des continents, les réchauffements et refroidissements climatiques, etc., montrent sa parfaite indifférence à l’égard de toute appréciation de la part des hommes. Face à ces manifestations naturelles, telles que le magnétisme terrestre, la gravitation ou le mouvement des planètes et des galaxies, toute incantation ou blasphème de la part des hommes à leur égard paraîtrait absurde.

L’extraordinaire beauté de la « nature-dieu » sur notre petite planète bleue nous réjouit. Et comment ne pas être émerveillé devant le phénomène de la « vie », son origine mystérieuse, son énorme force de reproduction et d’expansion, sa capacité à s’auto-réparer, à se diversifier, à évoluer, à produire des êtres de plus en plus capables d’adaptations extraordinaires. Notre connaissance des lois naturelles nous a permis de réaliser des prouesses médicales étonnantes, telles que la transplantation d’organes vitaux, la fécondation in vitro, la reproduction médicalement assistée, la modification génétique, l’usage médical de cellules-souche, le clonage humain, etc. Mais elle nous a également appris que l’humanité pourra disparaître par l’épuisement de ressources naturelles. Ici, encore, Malthus et la Providence divine s’opposent.

La plupart des biologistes, comme Christian de Duve, pensent que l’apparition de la vie est un phénomène naturel qui s’enclenche dès que l’environnement s’y prête. Pour lui, l’énergie, la matière, la vie et la pensée ne forment qu’un seul et même phénomène évolutif et naturel. Nous apprendrons sans doute bientôt si notre planète voisine, Mars, a porté la vie et si celle-ci s’est éteinte ensuite, parce que l’environnement lui est devenu inadapté. Et dès lors la question se pose de savoir si un danger analogue menace à terme notre biosphère terrestre ou même notre espèce en particulier. Ensuite, il conviendra de savoir si, grâce à notre entendement et à notre science, l’humanité pourra et voudra, intervenir contre les dangers de l’extinction de notre espèce, à savoir la dégradation climatique ou l’épuisement des ressources naturelles. Serons-nous, par exemple, capables de mettre en place une politique mondiale de contrôle des naissances et des mesures de conservation d’une biosphère viable et adaptée avec une biodiversité acceptable ?

Chaque être vivant, de la bactérie à l’homme, dispose d’un système de régulation autonome pour organiser sa vie, ses mouvements, son alimentation, sa défense, sa reproduction, la satisfaction de ses désirs, etc. Quel nom faut-il donner à ce « poste de commandement » central qui règle tous les paramètres de la vie, la croissance, le métabolisme, l’adaptation à l’environnement : instinct, âme, esprit, intelligence, élan vital ?

Spiritus est un mot latin qui en français veut dire « esprit ». La spiritualité est donc le domaine et le moteur de nos sentiments et de nos activités, c’est-à-dire de toutes les activités spirituelles, telles que la mémoire, les réflexes, l’imagination, la comparaison, l’admiration, la critique, l’extase, l’autodérision, la satisfaction, le doute, la régulation des fonctions vitales (respirer, métaboliser,), la peur, l’audace… ! L’âme ou l’esprit est le récepteur des stimuli venant de l’environnement et le centre d’analyse et de commandement de nos actions. Les animaux possèdent également une spiritualité, en grande partie instinctive et nettement moins développée que la nôtre. Mais ils sont également capables d’adapter leur comportement à l’environnement en vue de satisfaire leurs besoins vitaux. Ces adaptations sont parfois d’une efficacité remarquable. Notre esprit humain nous a permis de dépasser progressivement et plus efficacement encore les limites de l’instinct. Face au toréador dans l’arène, un taureau, pourvu d’un esprit équivalent à l’esprit humain à la place de son seul instinct, ne se laisserait pas mettre à mort par le matador, au contraire il tuerait celui-ci sans problème !

Et dès lors il faut dénoncer ceux qui, voulant imposer ou maintenir des tabous ou des dogmes, osent se faire passer pour les détenteurs et les champions de la spiritualité. Au contraire, une spiritualité évoluée ne se laisse pas imposer des restrictions par l’instinct ou par des dogmes, qui constituent une prison ou un carcan pour l’esprit !

Parmi les mammifères, notre espèce est jusqu’à présent la seule à avoir, par exemple, vaincu sa peur instinctive du feu. Mais il reste encore un large champ où les tabous et les dogmes subsistent chez nous. Et ce sont justement les geôliers de l’esprit, les dogmatiques et autres ennemis de la liberté de la pensée qui ont réussi à faire croire à certains que la spiritualité leur appartient en propre. En réalité, ils font tout pour garder la pensée prisonnière de leurs mythes et de leurs dogmes, imposés sous la menace de damnation et même parfois par la force. Ils ont tenté et souvent réussi à ériger la soumission de l’esprit à leur credo, comme étant le but suprême de la pensée humaine. Mais comme chaque credo est démenti par le credo d’une religion concurrente, ils ont finalement dû accepter avec réticence et sous peine de disparaître, la nécessité d’un certain corporatisme des dogmatiques, qu’ils ont baptisé « œcuménisme ». Le phénomène est très récent. Après s’être férocement entretués pendant des millénaires, les voilà assis sur le même banc face aux agnostiques et aux athées, pour défendre l’idée que l’esprit humain doit nécessairement être confiné dans des croyances préétablies. Leur nouveau slogan : « Croyants de tous les bords, unissez-vous ! » veut sonner la mobilisation générale de tous les croyants, opposés à la libre pensée. Ils viennent d’en donner une démonstration en France par leur opposition au mariage homosexuel. Après avoir mené des combats retardataires contre le divorce, contre la pilule, contre le préservatif, contre l’IVG, contre l’émancipation des femmes, contre la recherche et l’utilisation des cellules-souche… Ils continuent de s’opposer à une union d’homophiles et à l’adoption d’enfants par ceux-ci. Ils semblent bien s’y croire contraints pour sauvegarder leur fond de commerce réciproque face au danger du progrès et avec la crainte d’échouer encore une fois à terme.

Leur ennemi commun de toujours, c’est « le libre arbitre » ! Cette faculté de notre esprit qui a dû surmonter beaucoup d’obstacles au cours de l’histoire de notre espèce, où les tabous et la superstition ont longtemps prévalu. Le bon sens aurait pourtant dû leur montrer que la « Providence divine » n’est qu’un leurre et qu’il appartient donc aux hommes, eux-mêmes, de résoudre les problèmes d’organisation de l’humanité.

Enfin se dessine lentement et prudemment une société nouvelle où « la vraie spiritualité », démarquée de la superstition, pourra se développer librement sans craindre les bûchers. Ce phénomène qui est très récent et qui peine encore à s’affirmer dans plusieurs parties du monde, mérite notre soutien et toute notre vigilance.

Sachons en promouvoir l’expansion planétaire !

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Informations complémentaires

Année

2012

Auteurs / Invités

Willy De Winne

Thématiques

Dieu, Divinité, Religions, Sciences