Description
Désormais, la Flandre et la Wallonie, comme beaucoup de régions en Europe, interdisent l’abattage rituel s’il n’est pas précédé de l’étourdissement de l’animal. Curieusement, la Région de Bruxelles-Capitale s’y oppose encore et toujours, y compris dans le chef d’élus politiques dont les positions divergent totalement de celles de leurs amis wallons du même parti !
S’il reste certes beaucoup à faire sur le plan de la cause animale, notamment à propos des conditions d’élevage et de transport, le débat actuel autour de l’étourdissement avant abattage oppose clairement défenseurs de la cause animale et défenseurs de la liberté de religion, sans exclure dans le chef des politiques d’éventuelles arrière-pensées électoralistes ou clientélistes qui peuvent trouver leur origine dans le type d’électorat potentiel en présence.
Ce qui nous interpelle dans ce débat, c’est l’argument de la « liberté de religion » mis en avant par ceux qui s’opposent à l’étourdissement avant abattage. Il s’agit entre autres des représentants du culte islamique, la religion des ancêtres de l’auteur de ces lignes, qui s’est naturellement demandé en quoi une religion pouvait s’opposer au souci d’atténuer la souffrance animale, dès lors que les moyens existent de le faire, par exemple, d’utiliser la narcolepsie – perte de conscience réversible et donc non létale – en tout cas pour les porcs ou les moutons. Faut-il rappeler que, pour les croyants, les animaux sont aussi des créatures de Dieu et qu’il faut les respecter sous peine d’offense au Tout-Puissant ?
Or, Dieu est-il contre l’étourdissement ? Comment le savoir ? Pour un citoyen de culture musulmane rien n’est plus simple, le Coran, le livre sacré des musulmans étant considéré comme étant la « parole de Dieu », allons voir si quelque chose dans le Coran pourrait être interprété comme une opposition claire et nette du Tout-Puissant à l’égard de l’étourdissement préalable à l’abattage. Personnellement, je n’ai rien trouvé. D’autres trouveront peut-être des sources d’interprétation différentes, mais il ne semble nullement que ce soit le cas.
Si Dieu n’est pas formellement contre, qu’en est-il du saint prophète de l’islam ? Ici aussi rien de plus simple pour un musulman pieux que d’aller consulter les « recueils de hadiths », c’est-à-dire, en gros, les « dires » du prophète. Sauf erreur ou distraction de notre part, ici non plus, aucune trace d’opposition formelle de la part du prophète. Sans entrer dans un débat stérile sur l’authenticité de ces textes et la pertinence de les consulter, la question qui vient à l’esprit est : « sur quels éléments doctrinaux se basent les politiques et représentants du culte qui prétendent défendre la liberté de religion, en ce début du XXIe siècle, à Bruxelles, la capitale de l’Europe ? » Il semblerait bien que, en tout cas s’agissant de l’islam, l’argument serait le « respect d’une pratique ancestrale ». Quand bien même trouverait-on des arguments dans des textes dits religieux (ce qui semble être davantage le cas du judaïsme), que sont ces textes sinon des « constructions humaines sacralisées » ?
Est-il pertinent ici de faire une distinction entre l’« abattage rituel dans un but sacrificiel » dont la pratique remonte à la nuit des temps, et l’« abattage industriel dans le but de nourrir les humains », quelles que soient les croyances religieuses ou les convictions philosophiques de ces derniers ? Dans le cas de l’abattage industriel, le souci premier est de l’ordre de l’hygiène, sans minimiser le souci de « rentabilité » dans l’organisation industrielle de l’abattage. C’est précisément par souci de rentabilité que de plus en plus d’abattoirs en Europe pratiquent l’abattage rituel selon les exigences du culte islamique, pour ne pas avoir à pratiquer l’abattage selon plusieurs méthodes au risque d’alourdir les coûts d’exploitation. Conséquence : nous consommons tous, sans le plus souvent le savoir, de la viande « certifiée halal », car conforme aux exigences islamiques et, ce faisant, nous contribuons tous au financement de la certification halal qui ne se fait pas pour rien ! Ce qui revient à contraindre, dans les faits, tous les citoyens à suivre les prescrits religieux de certains d’entre eux. Je ne peux pas m’empêcher de me demander quelle aurait été la réaction du prophète de l’islam si les « marchands du hallal » existaient en son temps, en me référant à un illustre précurseur, un certain Jésus de Nazareth, qui avait, lui, chassé les marchands du Temple !
En m’adressant plus particulièrement à nos concitoyens de culture ou de confession musulmane je leur ferais remarquer que le « hallal » (à savoir, licite selon les exigences formelles purement arbitraires définies par les théologiens) n’a rien de « bio » ni de « durable » et qu’il ne garantit nullement que les règles modernes d’hygiène aient été observées !
De tout temps, dans certaines sociétés (chez les Arabes, les Juifs, mais aussi, par exemple, chez les Incas), l’abattage d’animaux dans un but « sacrificiel » a été pratiqué en respectant certains rites précisément censés assurer la sacralité de ces pratiques.
Le but était tantôt d’essayer d’obtenir les faveurs des divinités, tantôt de les remercier des faveurs reçues. Cette sacralisation crée un lien privilégié entre les fidèles et l’objet de leur adoration. On peut penser que c’est bien dans cet esprit que le Coran, en s’adressant aux nouveaux fidèles, leur dit : « Désormais, vous ne consommerez plus la viande d’un animal sacrifié à une autre divinité que Dieu ». Serions-nous encore et toujours concernés par cet aspect des choses en ce début de XXIe siècle, à Bruxelles, capitale de l’Europe ?
Il revient aux mandataires politiques soucieux de défendre la liberté de religion de décider, en veillant à ne pas faire de cette liberté fondamentale une sorte de « droit à l’obscurantisme ». Nous attendons plus particulièrement des élus bruxellois de culture musulmane de mieux remplir leur fonction d’élite, « le devoir de l’élite étant d’éduquer le peuple et non pas de se plier aux traditions archaïques sacralisées par les professionnels de la religion qui, eux, manipulent le peuple en profitant de sa crédulité ».
Épilogue
Ce que l’on pouvait craindre est arrivé : des élus bruxellois sont sous une influence religieuse rétrograde et refusent l’obligation d’étourdissement avant l’abattage.
Nous ne sommes pas le seul à dénoncer l’influence religieuse sur ces élus. Le dossier paru dans L’Écho du 25 juin 2022, sous le titre de « Bruxelles plie-t-elle sous le poids des religions ? » aborde le même sujet à la suite du vote des parlementaires bruxellois qui ont rejeté, contre toute attente de bon sens, la proposition de décret voulant instaurer l’obligation d’étourdissement préalablement à l’abattage rituel, comme c’est déjà le cas un peu partout en Europe pour l’abattage industriel sans lien avec un « sacrifice » quelconque ni avec la liberté de religion.
Sous la plume talentueuse et toute en nuance de la journaliste Pauline Deglume, le dossier est introduit par ces phrases :
« Une majorité de députés bruxellois a voté la semaine dernière contre l’interdiction de l’abattage sans étourdissement. Au grand soulagement des représentants des communautés juives et musulmanes. Contraire à ceux opérés en Flandre et en Wallonie, ce vote qui a mis en lumière la polarisation de la capitale soulève la question du poids des religions sur la politique bruxelloise ! »
Dans son dossier, Pauline Deglume donne la parole à quatre experts universitaires : Vincent de Coorebyter, Pascal Delwit, Corinne Torrekens et Caroline Sägesser. Malheureusement, nous n’y avons pas trouvé d’avis émanant de citoyens de culture musulmane ou juive qui, bien que ne rejettant pas les traditions religieuses, approuvent l’obligation d’étourdissement.
Pour notre part, commençons par relever qu’en guise « d’influences religieuses », on ne trouve nulle trace d’influences de la part des cultes chrétiens qui, visiblement, semblent avoir admis une fois pour toutes que, dans ce débat, le bien-être animal devait primer sur toutes autres considérations, y compris religieuses.
Du reste, en pages intérieures, le dossier de L’Écho porte un titre explicite, en parlant « d’influence religieuse » au singulier.
De fait, il est clair que si le rejet de l’obligation d’étourdissement émane aussi bien des représentants du culte israélite que, surtout, du culte islamique, l’influence de la religion juive sur des élus notoirement de culture juive, ne semble pas pertinente, étant donné que, apparemment, un seul élu de culture juive a voté contre l’étourdissement tandis qu’une autre élue choisissait l’abstention.
Clairement, l’influence religieuse en question est donc celle exclusive de la religion islamique. Ce qui nous interpelle, et devrait interpeller tout citoyen bruxellois, voire tout citoyen belge, c’est de constater que cette influence islamique ne s’exerce pas seulement sur des élus notoirement de culture musulmane, mais aussi sur un grand nombre d’élus qui, apparemment, n’ont aucun lien avec cette religion.
Voyons donc de plus près le vote des élus des partis francophones. Qui ne serait abasourdi de constater que, dès qu’il s’agit de tirer un quelconque avantage électoral, les parangons en paroles du progressisme se trahissent avec aisance au moment de passer aux actes ?
PS : 14 votes contre l’étourdissement – 2 pour ;
PTB : 11 votes contre – 0 pour ;
Écolo : 9 votes contre – 5 pour – 1 abstention ;
DéFi : 6 votes pour – 2 contre – 2 abstentions ;
MR : 12 votes pour – 1 abstention – 1 élue absente ;
Les Engagés : 3 votes contre – 2 abstentions – 0 pour.
Au PS, deux élus, par ailleurs et notoirement de sensibilité laïque, se sont déclarés favorables à l’étourdissement. Alors qu’il était entendu que pour ce genre de sujets, les élus étaient libres de voter selon leur conscience, la fédération bruxelloise, à l’initiative de son président Ahmed Laaouej, a passé un mot d’ordre pour un vote de groupe contre l’étourdissement, ce qui a été fort mal pris par le député Julien Uyttendaele qui, à cette occasion, a déclaré prendre ses distances à l’égard de sa fédération tout en restant attaché au PS qui a d’ailleurs voté en faveur de l’étourdissement en Wallonie !
Remarquons que sur les quatorze élus socialistes, dix sont de « culture musulmane » tout en affichant des convictions laïques dès qu’ils fréquentent des milieux laïques ! Les quatre autres, qui n’ont rien à voir avec la culture musulmane, ont obéi au mot d’ordre de la fédération, en espérant sans doute que leurs électeurs de sensibilité laïque ne leur en tiendraient pas trop rigueur en 2024 !
Le vote unanimement « contre » des élus PTB ne manque pas d’inquiéter, car, sur quatorze élus, deux seulement sont de culture musulmane. Ceci dit, on savait déjà que dans la pêche aux votes musulmans, le PTB concurrence efficacement le PS qui a perdu sa « chasse gardée ».
Le vote unanimement contre des élus du parti Les Engagés a suscité l’ire du député fédéral Georges Dallemagne, soutenu par la majorité des élus wallons de ce parti.
Quant au vote Écolo, partagé entre la défense du bien-être animal au point d’encourager le végétarisme, voire le véganisme, et l’apport des voix musulmanes, on verra de quel côté pencheront les électeurs de ce parti aux prochaines élections régionales.
La quasi-unanimité des votes du MR en faveur de l’étourdissement montre que ce parti reste fidèle à ses valeurs, qui sont aussi celles de la majorité des Bruxellois, en ce compris des musulmans modérés qui sont de plus en plus nombreux à oser critiquer les « traditions archaïques sacralisées » de leur religion, défendues par une minorité d’extrémistes.
Accommodements ? Capitulation ?
Le résultat de ce vote au parlement bruxellois nous inquiète sur deux plans.
Le premier concerne les élus de culture musulmane qui sont des gens instruits, voire universitaires pour un grand nombre d’entre eux. Leur vote contre l’étourdissement, conformément à des influences religieuses rétrogrades, ne présage rien de bon quant à l’avenir de Bruxelles.
Quant aux élus sans lien avec la religion musulmane, mais qui votent comme les premiers, là on n’est plus dans de prétendus « accommodements », mais on est déjà dans la capitulation, voire dans la soumission, ce qui ne manque pas de corroborer le diagnostic alarmiste d’un Houellebecq ou d’un Onfray.
Il nous paraît donc urgentissime que les habitants de Bruxelles, quelles que soient leurs convictions philosophiques ou religieuses, se mobilisent pour favoriser l’émergence d’un islam européen du XXIe siècle, un islam libéral et humaniste, éthique et spirituel, débarrassé des théologiens de la charia et du djihad, un islam tel que nous ne cessons d’appeler de nos vœux.
Le prochain décret sur le bien-être animal
On sait que le ministre Bernard Clerfayt prépare un projet de décret sur le bien-être animal, au sens le plus large du terme.
Il nous paraît inévitable que la question de l’étourdissement ressurgisse à cette occasion. Cette fois, aux termes de l’accord politique de majorité, pas question de liberté de vote pour les élus, il faudra se conformer à un accord de majorité. Mais lequel ?
L’enjeu sera de taille : les élus bruxellois devraient devront montrer au monde entier que le président américain qui a qualifié Bruxelles de « trou à rats islamistes » avait tort. Pourvu que cela soit vrai !
Ce sera le moment aussi, pour les électeurs bruxellois, du moins pour les plus lucides et responsables d’entre eux, de montrer qu’ils ont bien compris qu’aux prochaines élections, il faudra soutenir les hommes et les femmes qui pensent « prochaines générations » plutôt que ceux qui ne pensent que « prochaines élections » en privilégiant leurs intérêts individuels ou partisans au détriment de l’intérêt général de l’ensemble des Bruxellois.
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Informations complémentaires
Année | 2022 |
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Auteurs / Invités | Chemsi Chéref-Khan |
Thématiques | Abattage des animaux, Animaux, Électoralisme, Islam, Partis politiques, Politique belge, Questions et options philosophiques, politiques, idéologiques ou religieuses, Religions, Respect des animaux |
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