Description
Les progrès de la science sont mis en cause, au fil du temps, sur grand nombre de croyances inscrites dans les esprits humains. grâce à la méthode scientifique et à la démarche du questionnement d’autres surprises nous attendent.
L’espèce humaine, depuis qu’elle pense, a un besoin vital d’espérance et de certitudes. Espérance d’un bon résultat de chasse pour nourrir son clan, espérance d’un temps clément pour l’évolution de ses semailles, espérance de jours heureux, espérance de travail, espérance de supprimer la souffrance ou simplement espérance de vie, parfois.
Cette espérance, l’homme l’a cultivée au travers des âges et des civilisations de différentes manières. Nous savions déjà que les rites participaient de manière universelle comme remèdes à l’angoisse existentielle et à la survie de l’espèce. Peut-être aussi, était-ce une approche pour tenter de donner un sens, sinon un objectif à son existence ou encore pour améliorer la connaissance de lui-même comme des autres ?
Cette démarche pourrait se dénommer religiosité – que l’on pourrait aussi traduire par mysticisme – avec, pour certains, une quête d’absolu et de perfection que nous savons inaccessible et une espérance illusoire d’immortalité. Le scientisme – l’utopie d’une rationalité absolue – et une science capable de résoudre tous nos problèmes seraient aussi à considérer comme illusoire.
Une fois sa sécurité, sa survie assurées, même temporairement, l’homme a sans doute tenté de comprendre son environnement mystérieux et d’approcher une première vérité : des forces qu’il ne maîtrise pas influencent son existence. De ce constat, il résulta sans doute des croyances diverses en l’existence d’un ou de démiurges, dieux organisateurs et puissants, croyances exploitées ensuite pour asseoir, puis renforcer un pouvoir sous lequel nous vivons encore – mais je l’espère de manière utopique – dont nous vivrons les ultimes soubresauts.
L’homme en effet, a apporté une « touche » particulière à son existence : son besoin d’analyse critique du réel l’a amené à se rebeller contre l’autorité et les « vérités révélées ». Et ils furent nombreux, les anonymes à succomber sous les tortures physiques et morales de la « Sainte Inquisition », ces tribunaux ecclésiastiques installés sous Innocent III dès la fin du XIIe siècle (1199) et qui furent tellement efficaces ! L’histoire, orientée largement par un cléricalisme puissant, n’a retenu le nom que de quelques personnalités rebelles incontournables, considérées et parfois traitées comme hérétiques : Guillaume d’Ockham, Oresme, Descartes, Giordano Bruno, Galilée, Ernest Renan, Francisco Ferrer, …
L’évolution des connaissances – conduite par ces rebelles – a autorisé et provoqué la chute de certains dogmes et a permis l’avènement de la méthode d’analyse rigoureuse et scientifique. Il convient néanmoins d’indiquer les limites de la science et d’être prudent pour ne pas tomber dans le scientisme. Montaigne nous montrait déjà l’exemple en rapportant que « c’est folie de rapporter le vrai et le faux à notre suffisance ».
Si nous n’avons aucun droit d’affirmer atteindre la vérité, nous revendiquons le droit de penser autrement que ce qu’ont voulu et veulent encore imposer les religions de toutes origines ; au nom de la liberté philosophique que les laïques défendent, il n’y a cependant pas place pour une « législation religieuse » qui dirigerait la conduite des citoyens de la naissance à la mort.
Dès lors, comment organiser la société en préservant la liberté de pensée et d’action de l’individu sans impositions dogmatiques de groupes de pression religieux ? La démarche scientifique peut fournir des arguments essentiels pour apporter des réponses favorables à une plus grande démocratie.
L’approche scientifique de la nature des choses qui nous entourent et que nous tentons d’expliquer n’est pas récente ! James Usscher, archevêque d’Armagh, chef de l’Église anglicane, primat d’Irlande en 1625, apporta les preuves, en deux mille pages, de la création de la terre le 23 octobre 4004 avant Jésus-Christ à midi, heure de Greenwich. C’est sur base d’une étude fouillée et précise des écrits à sa disposition que la chronologie de la genèse a été établie, même si nous sommes choqués de l’oxymore de Jésus-Christ naissant en l’an 4 avant Jésus-Christ !
Vous aurez compris que cette forme est ironique. Les « certitudes » des primates – les mammifères supérieurs – sont basées essentiellement sur l’observation personnelle directe et visuelle : du moins, est-ce l’image embellie de la science auprès du « grand public » ?
Déjà avant Francis Bacon (1561-1626), mais depuis ce philosophe surtout, il est largement admis que les sciences de la nature sont inductives, c’est-à-dire qu’elles reposent sur le raisonnement consistant à passer d’énoncés relevant de l’observation ou de l’expérience à des énoncés universels, des lois et théories (c’est le passage du cas particulier au général).
La démarche actuelle est tout autre ; je cite Stephen Jay Gould (décédé en 2002) :
« La science est constituée par une batterie de techniques d’observation et de déduction, toutes dirigées vers la mise à l’épreuve de propositions qui peuvent, en principe, être réfutées catégoriquement. La restriction de son domaine d’application aux seuls phénomènes directement observables entraverait son fonctionnement de façon intolérable ».
Cette définition permet d’inscrire en faux la négation de l’évolution par les « créationnistes » sous prétexte de la non-observabilité directe du phénomène.
Désormais, la démarche scientifique – et ce depuis Einstein et Popper notamment – procède par l’adoption provisoire d’énoncés généraux, de théories préconçues, qui, si elles sont sérieuses, doivent être falsifiables (selon la formule de Popper), c’est-à-dire susceptibles d’être réfutées totalement ou partiellement par l’analyse objective d’une situation dans laquelle la théorie pourrait être mise en défaut.
Cette démarche peut être résumée de la manière suivante : partant d’une hypothèse, des expériences sont imaginées, programmées et réalisées afin d’éprouver l’hypothèse formulée ; si les résultats semblent correspondre à l’idée émise, ils seront utilisés pour construire une théorie qui sera remise continuellement en question, éprouvée et interprétée pour consolider la théorie ; si ce n’est pas le cas, c’est-à-dire si l’hypothèse ne se vérifie pas, l’idée est abandonnée et remise en question (retour au point de départ) !
La démarche scientifique procède toujours de cette manière en mettant en doute les résultats obtenus, en les répétant et en les soumettant à l’analyse statistique la plus rigoureuse possible.
Le « délai » entre l’élaboration des idées et la vérification de la réalité imaginée peut être très longue. Le récent fameux « boson de Higgs » en est un exemple. Quarante ans séparent l’idée originale de sa mise en évidence au CERN à Genève … auxquels il faut ajouter une année pour une reconnaissance par le Comité Nobel (2013).
La démarche scientifique n’exclut pas les éventuelles fraudes ou tricheries : les scientifiques soumis à des pressions d’ordre économique, parfois politique, ne sont que des hommes et ils ne sont pas tous probes ! Rappelons-nous l’exemple célèbre de l’agronome russe Lyssenko qui eut l’oreille de Staline qui envoya des généticiens dans les camps sibériens, provoquant leur mort et ruinant l’agriculture soviétique pour de nombreuses années. Ces tricheries sont rares et généralement démasquées rapidement, notamment par la rigueur déployée par les lecteurs des articles chargés d’en faire l’analyse critique. L’attitude générale est néanmoins la préservation d’une honnêteté intellectuelle à toute épreuve et d’une culture du doute permanent. À l’opposé de cette démarche, on trouve les tentatives très nombreuses des dogmes religieux. Le créationnisme, puisqu’il faut le citer, tente de s’insérer dans les cours scientifiques et certains États ont déjà répondu favorablement aux pressions religieuses dans cette voie. On connaît son impact aux États-Unis, il est aussi présent en Europe.
Avec les incertitudes et les inquiétudes – réelles ou fantasmatiques – concernant notre survie sur la planète, un catastrophisme renaissant se développe, inquiète et trouve écho chez des esprits faibles. L’ambiguïté entretenue par les religions (vouloir imposer l’équivalence sur le plan scientifique de la biologie darwinienne et du dessein intelligent) constitue une grave atteinte en faveur d’un retour à l’obscurantisme moyenâgeux. Rappelons-nous le combat de Galilée et des astronomes qui lui ont succédé pour faire reconnaître que l’astronome Ptolémée et le philosophe Aristote sont dans l’erreur et que c’est l’hypothèse de Copernic qui est la bonne, c’est-à-dire que la terre n’est pas le centre de notre système astronomique, mais bien le soleil.
Le livre de Galilée dans lequel il présente ses résultats et ses conclusions sera interdit de lecture jusqu’en 1835 ! Et c’est plus récemment encore que Jean-Paul II reconnaîtra que l’Église a commis une erreur en condamnant Galilée. Mais je ne suis pas certain que ce soit en ces termes aussi rassurants que l’expression a été formulée !
L’approche scientifique, rationnelle et libre a permis d’annihiler la croyance, le dogme, les diktats de l’Église dominante, mais il en a fallu du temps, du courage et de l’obstination. Et encore, ne s’agit-il ici que de l’astronomie !
Bien plus dérangeantes pour les religions sont les hypothèses concernant tout ce qui touche au monde vivant. Je ne ferai que vous rappeler les apports majeurs de Charles Darwin.
Nanti d’une expérience inégalée après cinq ans de navigation et rempli de doute, il attendra de nombreuses années avant de publier le fameux texte sur l’origine des espèces (1859). Sa conviction se forgera lentement, avec inquiétude dans ses questionnements, plein d’audace dans ses hypothèses, plein de prudence dans ses conclusions. Ses lettres, ses carnets de notes en témoignent ; trois exemples :
« Je suis presque convaincu (contrairement à l’opinion que j’avais au début) que les espèces ne sont pas immuables. »
« Le changement n’est pas produit par la volonté de l’animal, mais par la loi d’adaptation. »
« Je suis arrivé à la conclusion hétérodoxe qu’il n’existe rien de semblable à des espèces créées indépendantes, que les espèces ne sont que des variétés fortement définies. »
Des controverses surgiront et surgissent encore ; les plus virulentes proviennent des milieux religieux intégristes, tels certains milieux islamistes refusant toujours la transformation des espèces (l’évolution), malgré les progrès des connaissances en génétique, en immunologie,…
Aujourd’hui, la très grande majorité des scientifiques a abandonné la thèse fixiste de la création par un démiurge organisateur qui aurait écrit les textes bibliques. Persiste néanmoins encore une opposition particulière entre la vision dynamique des sciences naturelles et la vision statique du monde des religions, celle du créationnisme : notre travail ne sera donc jamais terminé ! Les progrès des sciences naturelles ne sont pas pour autant anti religieux. Les sciences et les religions jouent des rôles différents et ont une signification différente dans la vie de l’être humain. Ne pas être d’accord avec ce principe résulte de positions politiques et mène inéluctablement à des tensions. Développons un esprit de tolérance, mais sans se laisser abuser par ceux-là mêmes qui, prônant aujourd’hui la tolérance, proclamaient auparavant leurs vérités absolues et condamnaient ceux qui n’acceptaient pas leurs croyances.
Si nous pouvons écarter progressivement les voiles de l’ignorance, nous n’avons cependant aucun droit d’affirmer atteindre « une » vérité universelle et permanente. Cultivons plutôt le doute et l’ouverture aux idées.
Ce serait la voie d’un perfectionnement de l’humanité qui donnerait un sens à l’existence.
Pouvons-nous témoignez une confiance absolue dans les découvertes scientifiques ? La méthode des sciences offre-t-elle une vérité incontournable ?
Informations complémentaires
Année | 2014 |
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Auteurs / Invités | Georges Sand |
Thématiques | Foi, Questions et options philosophiques, politiques, idéologiques ou religieuses, Religions, Sciences |